Voici donc le vingt-deuxième livre (environ*) de Lionel Bourg (vingt et un titres depuis 1980, dont la moitié publiée chez Cadex). Un livre qui porte bien son titre, même si un pluriel (« matières » plutôt que « matière ») eût mieux convenu pour souligner d’emblée l’étonnante disparité des textes réunis dans ces deux tomes : ensemble de poèmes (qui abordent la question de l’écriture : « Parfois j’ai juste envie d’écrire comme cela en passant/je ne sais trop quoi »), notes de carnets, fragments de journal, auxquels il convient d’ajouter les textes de deux interventions orales consacrées à Claude Louis-Combet et à Fernando Pessoa, ainsi qu’un texte destiné à présenter une exposition photographique… Matière du temps s’avère donc de ces « livres non-livres, livres besaces, qui ressortissent au journal et aux carnets, (…) quand il ne s’agit pas, capharnaüm d’émois ou de sensations boudeuses, de sautes d’humeur d’un quidam maniant la plume comme d’autres sabrent le vent, livres nourris d’impasses narratives, désastreux par conséquent. »
« Désastreux », l’épithète est sévère. Disons plutôt déroutant, peut-être même irritant. Irritant parce qu’on y trouve de tout, de la trop banale « ingénuité désarmante du vide » au suicide de Guy Debord, d’une promenade anodine sous la pluie dans les rues de Lille aux tableaux de Goya et de Courbet (ce jour-là hélas ! le musée est fermé…), de la « désolante vacuité de tout » aux impertinentes violences verbales sur Sollers : « Sollers peut gesticuler, se parfumer d’eau bénite un matin, s’enduire d’onguent situationniste le soir, il sent encore la merde », ou sur Jünger, à l’occasion de son centième anniversaire : « Cent ans… Le fumier conserve. »
Autant le dire franchement : l’ensemble déçoit. Pouvait-il en être autrement avec cette compilation qui ne semble obéir qu’au seul désir de rassembler ? D’autres s’y sont essayés avant lui : Valéry avec ses Variétés ; fait pour le moins surprenant : Lionel Bourg reconnaît avoir été vraiment déçu par cette lecture…
* Un nouveau titre vient de paraître : Une passion qui commence, Éd. Paroles d’Aube.
Matière du temps 1 et 2
Lionel Bourg
Cadex
130 et 115 pages, 99 FF chaque
Domaine français Du temps, ad libitum
mars 1997 | Le Matricule des Anges n°19
| par
Didier Garcia
Un livre
Du temps, ad libitum
Par
Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°19
, mars 1997.