Le Dictionnaire des grandes oeuvres de la littérature française esu un outil qui traverse les siècles et les genres. Où Alcofrybas croise Zazie.
O n connaissait Le Dictionnaire des oeuvres littéraires de langue française paru en quatre volumes chez Bordas. On en appréciait les qualités, moins le coût et l’encombrement qu’il représentait. Larousse a donc décidé d’en donner un abrégé. Signé des mêmes rédacteurs sous la direction de Jean-Pierre de Beaumarchais et Daniel Couty, ce Dictionnaire des grandes oeuvres de la littérature française apporte avec lui une nouveauté : l’index des personnages dont certains sont même issus de poèmes. On se régalera donc à arpenter notre histoire littéraire, non plus chronologiquement ou par ordre alphabétique des oeuvres, mais aussi en partant de ces milliers de noms propres, chargés pour certains de beaucoup de significations, oubliés ou méconnus pour d’autres.
Évidemment, l’organisation du dictionnaire respecte les lois du genre et vise à une facilité d’utilisation pour les étudiants qui constituent le public visé par les éditeurs de cet ouvrage. Sous le nom de l’oeuvre citée, un descriptif historique et géographique situe l’origine du texte. Ainsi, par exemple, Le Cornet à Dés, nous dit-on, est un recueil poétique de Max Jacob (1876-1944) publié à Paris à compte d’auteur en 1916. Suit une description de l’ouvrage en question (un résumé pour les romans) et, enfin, une analyse littéraire de l’opus traité. On voit donc le bénéfice que certains pourront tirer d’un tel ouvrage : impressionner son ou sa voisine de pallier, gagner plus facilement au Trivial Poursuite, citer dans ses devoirs des textes non lus, envoyer des questions aux jeu des Mille Francs, etc.
Ouvrage pour les fainéants, les pressés que le temps de la lecture effraie, il se pourrait aussi que ce dictionnaire soit une magnifique façon de se perdre dans les méandres du long fleuve peu tranquille de notre littérature. Si les sources sont lointaines (nous remonterons à la chanson de geste) son embouchure reste très proche (on y rencontre Blondin, Chraïbi, Des Forêts ou Le Clézio). Pou se laisser égarer, les plus courageux partiront à la recherche des grands oubliés. Aventure longue et porteuse de beaucoup de polémiques. D’autres choisiront de laisser le hasard guider leur doigt sur une page. D’autres encore pourront choisir de ne cheminer qu’avec les personnages féminins trouvés dans l’index.
On pourrait aussi choisir de voyager en jouant ; par exemple, trouvez dans quelle pièce apparaît Émilie Paumelle ? Où rencontre-t-on Ciaxare ? etc.
Au final, toutefois, le voyageur risquera de faire l’expérience du découragement : malgré l’évidence de certains noms, de certains titres, il faudra bien se rendre compte à quel point notre territoire littéraire reste méconnu de nous. Normal, direz-vous, c’est un territoire si vaste ! Certes, mais, en tout et pour tout ici, ce ne sont « que » cinqcent cinquante titres qui sont rappelés à notre mémoire.
Le dictionnaire a donc ce mérite incomparable : en nous aidant à nous y retrouver dans ce qui fait l’essentiel de notre culture littéraire, il nous perd un peu plus. Et s’abandonner aux courants qui traversent ses pages est un bonheur de rêveur, oui vraiment, un bonheur de fainéants.
T. G.
Dictionnaire des grandes oeuvres de la littérature française
Jean-Pierre de Beaumarchais
Daniel Couty
Larousse1408 pages, 160 FF
Essais Incitation à la fainéantise
juillet 1997 | Le Matricule des Anges n°20
| par
Thierry Guichard
Un livre
Incitation à la fainéantise
Par
Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°20
, juillet 1997.