Des sensations olfactives émanent de Ogres et autres contes, odeurs puissantes comme celles du sexe, du sang et de la réalité brute. Dans une langue haletante, rythmée et syncopée, Muriel Cerf livre neuf variations autour de la possession amoureuse en faisant appel à sa propre culture dont la principale originalité est qu’elle est riche de toutes les cultures. Belle du seigneur, la tragédie grecque, les contes du Moyen Atlas, les mythes africains, tous les textes auxquels se réfère l’auteur ont décrit les différents aspects de la passion et ce recueil de contes en serait un de plus si son propos n’était très précisément orienté. La passion est destructrice mais surtout, insiste l’auteur, elle n’est pas mortelle. Dans le conte intitulé La Jalousie, un homme dont la femme est « le meilleur coup de l’enfer », mais aussi son propre démon, rêve secrètement de la faire disparaître. Mais en quelques pages, on comprend qu’il ne le fera pas et continuera pourtant inlassablement de désirer cette fin. Chez Muriel Cerf, il n’y a pas d’issue à la passion, pas même la mort. Tous, nous sommes des ogres, nous dévorons ceux que nous aimons et nous nous sentons les esclaves de ceux-mêmes dont nous sommes les tyrans… Les mères sont « toutes infanticides à un moment ou à un autre » et même l’amour, quand il ne se vautre pas dans le sadisme, ce qui est le cas dans le premier conte intitulé Corps amoureux, est une prison infernale comme l’est le jardin du pavillon de banlieue où se joue cette histoire d’amour entre deux individus « acculés au bonheur ». Le matricide, le « fillicide », le sadisme, la jalousie : dans l’échelle des passions, rien n’échappe à la plume acérée de Muriel Cerf, pour notre trouble et notre bonheur.
Ogres et autres contes
Muriel Cerf
Actes Sud
141 pages, 89 FF
Domaine français Descente aux enfers
janvier 1998 | Le Matricule des Anges n°22
| par
Marie-Laure Picot
Un livre
Descente aux enfers
Par
Marie-Laure Picot
Le Matricule des Anges n°22
, janvier 1998.