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Poésie Entre le silence et le cri

janvier 1998 | Le Matricule des Anges n°22 | par Thierry Guichard

En avril 1997, Thierry Metz se suicidait. Les deux recueils qui paraissent montrent la difficulté à témoigner, par l’écriture, d’une expérience inouïe.

L' Homme qui penche

Je dois tuer quelqu’un en moi, même si je ne sais pas trop comment m’y prendre. » L’homme qui écrit ceci, en octobre 1996, alors qu’il entre en asile psychiatrique, décidera de mourir au printemps suivant. On ne cesse de penser au suicide de Thierry Metz lorsqu’on lit L’Homme qui penche. Bien que les éditeurs présentent ce journal avec discrétion et pudeur, difficile de ne pas voir que derrière la quête vaine des mots, la camarde avait déjà fait son nid.
Entré de lui-même au pavillon Charcot du centre hospitalier de Cadillac, l’écrivain y cherche plus à se déposséder de lui-même qu’à se soigner d’un alcoolisme ravageur. Devenant simple regard au fil des jours, il restitue les silhouettes des autres patients, des frères pour lui, dont il devine quelle expérience du corps et de l’esprit les a conduits ici. Ces ombres qui traversent le livre portent plus de gouffres en elles que de chair. Ainsi Philippe : « Quelqu’un est dedans mais n’est pas avec. » Ou Sophie qui « titube et tremble toute la journée, allant de la chambre au fumoir, la nuque raide, les joues creuses, morte sans le savoir. » Qu’y a-t-il dans ces corps qui soit encore une pensée, un désir, un sentiment, indicibles ou incommunicables. Le poète n’est pas un témoin, il n’est pas plus anthropologue. Il vit cette expérience du gouffre que la langue ne tente pas de dompter. Au contraire, les mots creusent un peu plus le tunnel qui éloigne le ciel, la lumière. « Il n’y a, pour l’instant, ni visite ni téléphone. Mais cela ne me dérange pas. Il y a tellement à faire à l’intérieur. » Le journal n’est guère ce qui semblait qu’il pût être : une thérapie. Il laisse s’infiltrer en lui une poésie à la fois belle et inquiétante ; l’expression d’un divorce définitif d’avec le langage qui unit. Rien pourtant n’est déstructuré dans cette langue, pas de cri, pas d’onomatopée. Des mots simples, rongés par le silence, posés à plat sur la page après quels efforts de sélection, de choix ? Ainsi cette scène : « Un homme marche dans les feuilles, non loin du pavillon. Il se déplace si lentement, avec tant de précautions qu’il ne s’aperçoit pas qu’un arbre le suit. »
Thierry Metz ici, ou plus encore dans Terre, plonge dans un espace où le regard a le pouvoir de séparer les choses de leur contexte, les oiseaux du ciel, l’arbre du champ. C’est comme si les mots avaient germé jusqu’à devenir ce qu’ils désignent. Comment dès lors habiter ce langage ? « Autant se défaire/ de chaque mot/ que l’âme aura/ tourné vers la mort. » Il y a, inscrit dans les vers asséchés de Terre le désir d’épuiser la voix cette « source d’appauvrissement ». C’est bien elle, la voix ou la parole, qui nous sépare du monde, de l’oiseau ou de l’arbre, de l’enfant.
La poésie de Thierry Metz est pleine de ces refuges qui auraient pu la rendre presque joyeuse : évocation d’une nature paisible et débarrassée des hommes, évocation des ronces, buissons, talus ou fossés, convocation de la biche, des brebis, de l’agneau. « Que de journées sans un mot, seulement vécues par le regard et toute cette manne le soir, à ne savoir qu’en faire. » Ce bonheur qui rejette l’acte même de la parole, le poète doit l’exclure de sa vie, ou alors il devra renoncer à sa propre chair, l’écriture, pour prendre rendez-vous avec le silence. Dans L’Homme qui penche, Thierry Metz évoque Denis dont les propos « concernent une attente, un rendez-vous avec je ne sais qui. Et si ce rendez-vous, finalement, avait eu lieu… »
Ce rendez-vous, Thierry Metz aura juste choisi d’en avancer l’heure.

T. G.

L’Homme qui penche et
Terre de Thierry Metz
Opales/Pleine page
non pag. et 82 pages, 85 et 75 FF

Entre le silence et le cri Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°22 , janvier 1998.
LMDA PDF n°22
4,00