Hervé Blutsch écrit sa première pièce Ethique de la médecine en 1986, dix autres suivront.
Mais le voilà en quelque sorte sous les feux de l’actualité avec la parution quasi-simultanée d’Anatole Felde, petit drame bural chez Théâtrales (voir ci-dessus) et ce « vaudeville noir », La Gelée d’arbre en tapuscrit.
L’univers est fort, il s’impose d’emblée. Ainsi, dans ces deux textes, les personnages n’arrivent pas à se débarrasser de cadavres. Ils les trimballent toujours avec eux ou bien les transforment en marionnettes. « Pourquoi vous gardez les cadavres ?… Parce qu’ils font partie de nous. »
Face à toute cette mort, il faut bien rire un peu. Maxence et Clamince qui sont respectivement gagman et gagman stagiaire, mettent en scène, entre deux meurtres, le coup du bonnet d’âne, des casseroles accrochées à la queue du chien ou de la valise qui s’ouvre et qui fait Meuhhhh. L’humour tombe à plat, complètement décalé. L’écrivain arrive même à placer la fameuse réplique « Ciel mon mari ! » quand une femme découvre dans le journal une photo des lambeaux de son mari, restes de l’acte de cannibalisme pratiqué par Maxence et Clamince. Hervé Blutsch nous provoque en faisant jouer les tabous les plus extrêmes par des clowns (il va même jusqu’à faire tuer un spectateur-acteur à coup de hache). Le grand guignol ou le grotesque pour faire exploser toutes nos références. Le tout avec une énorme mise à distance. Les personnages n’arrêtent pas en effet d’expliquer au public ce qui leur est arrivé, avant de lui rejouer la scène en question.
Tout devient un jeu dérisoire. Impression d’irréalité, d’impossibilité à vivre, le rire renvoyant à la mort et le comique à la destruction, inexorablement.
La Gelée d’arbre
Hervé Blutsch
Théâtre Ouvert
Tapuscrit 90
106 pages, 50 FF
Théâtre Morts de rire
septembre 1998 | Le Matricule des Anges n°24
| par
Laurence Cazaux
Un livre
Morts de rire
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°24
, septembre 1998.