Avec Ça va chauffer, Charles Pennequin signe son deuxième recueil de poésie. C’est, comme on l’imagine,au père géniteur que le rejeton dédiait son premier livre : Le Père ce matin. (Carte Blanche, 1997). Un recueil d’une trentaine de pages qui, dans la mêlée des publications de poésie contemporaine, laissait un goût de « reviens-y » du point de vue strictement littéraire et un autre de « surtout pas ! » quant à l’univers dans lequel cette poésie prenait forme : « Père ancien sa lie/ me berce le corps / gris lait la nuit, poisse son temps/ à descendre/ pour aller pisser » C’est au fantôme du père, à la pesanteur de l’existence et au pesant corps, à la routine, au mutisme et au ressassement, à la mort omniprésente que ce livre s’adressait : « Pardon mon père l’infecte/ essence sous l’affreux rire/ la bileuse main qui/ me perce père c’est / qu’il vieux/ mot même/ pourrir de l’étant. »
Pour les âmes sensibles, disons-le tout de suite, I’univers poétique de Charles Pennequin peut mettre mal à l’aise. Cet auteur s’évertue à dire, (et cela se confirme avec Ça va chauffer), ce qui ne se dit pas. Non pas nos fantasmes, mêmes les plus inavouables, mais plutôt nos bassesses, notre étroitesse à exister, ce que nous méprisons particulièrement en nous, ce qui physiquement nous dégoûte ou, dans un autre registre, nos stupides tracasseries quotidiennes, le banal qui nous fait peur… Un monde minuscule un rien outrancier qui pourrait sembler livré gratuitement s’il ne l’était par le truchement d’une écriture précise, résultat d’un travail sur la langue au phrasé trébuchant, aux expressions triturées, inversées, tourneboulées : « je me fais toujours le cul de m’être/ fait avoir mais on a bien raison de se faire/ le cul de s’être fait si/ eu et de se le surprendre entre les mains/ si tendre et si velu/ et se fâcher tout rouge (…) » (Ça va chauffer)
L’autodénigrement s’accorde assez bien avec l’autodérision quand l’un et l’autre de ces procédés ont le bonheur de se croiser sans complaisance.
Le Père ce matin de Charles Pennequin
Editions Carte Blanche
30 pages, 50 FF
Ça va chauffer de Charles Pennequin
Derrière la salle de bains
18 pages, 20 FF
Poésie Sans complaisance
septembre 1998 | Le Matricule des Anges n°24
| par
Marie-Laure Picot
Des livres
Sans complaisance
Par
Marie-Laure Picot
Le Matricule des Anges n°24
, septembre 1998.