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Domaine français Le dur désir de durer

janvier 1999 | Le Matricule des Anges n°25 | par Christophe Fourvel

Naissances, de Pierre Péju, confronte l’écriture à tous les indicibles : la venue au monde, les camps de concentration, la mort. Emouvant.

Tout regard tourné vers l’origine rencontre le noir. En exergue du livre de Pierre Péju, il y aurait cette phrase invisible, murmurée, à la résonance infime mais comme seule à portée de voix.
Dès le début de Naissances, nous avons l’intime conviction de mettre nos pas dans un labyrinthe, le cœur suspendu à l’habileté des mots, à la régularité de leur souffle. Une maladresse de style, un adjectif inopportun feraient à coup sûr trébucher l’ouvrage ; le passage semble si ténu. C’est que deux des trois naissances racontées dans ce livre puent la mort : la première a lieu dans un camp de prisonnières, la seconde est celle d’un enfant mort-né. Seule la dernière sera heureuse mais encore sans triomphe ni ivresse, tant la vie qui se transmet si communément donne toute de suite à voir sa fragilité. Le livre qui s’attelle à raconter l’immense, rencontre souvent l’informe, le monstrueux mais c’est bien toujours de la vie dont il s’agit, comme celle qui va bouleverser le visage des soudards au moment où la prisonnière qui offrait sa nudité à leur fantasme, va les confronter au premier cri de l’enfant qu’elle parvient enfin à expulser, seule, à quelques heures du départ de son convoi vers les camps de la mort.
Face à l’indicible, les mots sont encore une fois comme ces clowns discrets qui accrochent l’épaule de celui que le malheur accable. Ils font leur numéro, insistent jusqu’à ce qu’on sourit. Ils accrochent à nos yeux leurs figures murales, leurs lueurs fugaces qui autorisent le réchauffement et l’espoir.
Naissances est un livre remarquable, ciselé à la taille exacte des promesses que le sort nous autorise. Ses phrases passent comme des murmures, des bruissements ; petites flammèches qui savent autant leur beauté que la durée brève de leurs éclats : « Il resta seul dans le jardin, au milieu des choses écœurantes et floues. De vagues taches de couleur, du gazon aveuglant et le gravier comme une flaque tiède dans laquelle il croyait s’enfoncer en marchant. » L’écriture s’immisce dans tous les plis de la souffrance, s’attarde dans les instants où le sol se dérobe sous les êtres, va chercher le tricot inachevé tout près de la chaise longue désertée par celle qui ne sent plus dans son ventre son enfant bouger. Le livre se clôt sur une naissance heureuse. Dans la salle de travail, le père et le narrateur ne font plus qu’un. Il est le seul à pouvoir témoigner de l’instant, exclu de toutes les tâches auxquelles sages-femmes, médecins et bien sûr mère se donnent corps et âmes. Il se contentera de ce peu à dire, de son accommodation difficile à cette pénombre originelle. Ce qui augure le lien paternel est une exclusion. Le père n’a que sa propre émotion à circonscrire. Combattant confiné à l’attente, à la vacuité, à l’inutilité de ses forces, il peut commencer dans sa tête la rédaction d’un livre.
Pierre Péju est actuellement directeur de programme au Collège international de philosophie. Il a publié plusieurs monographies consacrées entre autres à Schiller et Ludwig Tieck ; des essais ainsi que des romans dont le dernier en date, La Vie courante, est paru aux éditions Maurice Nadeau en 1996.

Naissances
Pierre Péju

Gallimard
Collection Haute Enfance
138 pages, 75 FF

Le dur désir de durer Par Christophe Fourvel
Le Matricule des Anges n°25 , janvier 1999.
LMDA PDF n°25
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