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Domaine français Messe basse

mai 1999 | Le Matricule des Anges n°26 | par Philippe Savary

Une semaine chez les cisterciens change-t-il un homme ? Jean-Pierre Abraham filtre la vie qui s’écoule tout au long de ces jours de retenue.

Les endroits où Jean-Pierre Abraham installe le décor de ses récits échappent aux circuits organisés. Au début, un phare, au large de la pointe du Raz, ensuite, vingt ans plus tard, une vieille bâtisse en ruines dans un trou perdu. Il y a peu, c’était une casemate glacée au cœur de l’archipel des Glénan. Autant de postes d’observation -un homme ordinaire y mourrait soit d’ennui, soit de peur- où l’écrivain guette le bruissement du monde, le regard plongé dans une ressourçante solitude. Cette fois, il faut marcher quelques kilomètres dans la campagne mayennaise, passer deux écluses, traverser un pont, saluer le portier. Nous le pressentions : admiratif, Abraham a trop salué au fil de ses livres l’insouciance des moines construisant avec ferveur leur cathédrale de lumière pour ne pas y poser bagages. Port-du-Salut raconte une semaine passée dans un monastère cistercien. Sept jours à naviguer dans cette maison de pierre, sept jours à côtoyer ces proches de Dieu aux « visages venus de loin ». Que cherche le narrateur ? Que fuit-il ? Rien, apparemment. « Je suis là pour me taire (…) fasciné par un ordre immuable, me pencher au bord du gouffre, écouter un silence de plusieurs siècles. » Bien que le silence ne soit plus ce qu’il était (le téléphone portable est entré à l’abbaye), le narrateur respecte avec bonheur la règle de la communauté, avec ce léger ravissement de « basculer dans une autre région du monde, d’entrer dans un autre air, plus frais, moins dense ». Un signe : même les oiseaux et les arbres environnants portent des noms inconnus. La contraignante routine aiguise son désir de fuite. Elle envahit tant le quotidien emmuré : se réveiller à quatre heures pour chanter les psaumes de Vigiles, apprendre à placer sa voix dans les stalles parmi « ce même cri d’hommes », tremper l’ostie dans le bol de café. La suite : Tierce, Sexte, déjeuner au réfectoire rythmé par un haut-parleur qui abreuve les pensionnaires de la bonne parole de saint Benoît, nouvelles messes, Vêpres, Complies, enfin se coucher avant le soleil. Un travail de forçat pour ses chiourmes de l’âme. Le dégoût spirituel existerait donc ? Peu importe, pour l’hôte, « ces heures sont restées vivantes », dans l’attente du « vif plaisir du jour où je filerais pour de bon ».
Ce petit livre n’est pas une promenade méditative autour de la foi. Le narrateur n’entre pas en religion (tout juste découvre-t-il la Bible, ce qui nous vaut quelques passages un peu longs en milieu de volume), encore moins il n’essaie de percer sous la coule des moines le mystère de leur engagement. Le dénuement de l’ermitage, la précision de sa description, font juste résonner le souvenir. Abraham appelle cela ses « diables à ressort ». Révélées par ce paysage intérieur muet et séculaire, surgit un flot d’images furtives qu’éclaire le creux des heures comptées. Des éclats de vie, déconcertants de simplicité, dont la pureté de certaines esquisses (un portrait, un geste, un regard) semble comme frappée par la grâce. Prolongement de cette vigilance extrême, l’écriture de Jean-Pierre Abraham a ce secret pouvoir d’arrêter le temps, de retenir les élans, de saisir la troublante minceur des instants. Précaire équilibre où tout n’est que sursis. Dans ce nouveau livre, on regrettera simplement que cette impression d’abîme, de danger, soit si peu marquée. La faute à Dieu ?

Port-du-Salut
Jean-Pierre Abraham

Le Temps qu’il fait
156 pages, 97 FF

Messe basse Par Philippe Savary
Le Matricule des Anges n°26 , mai 1999.
LMDA PDF n°26
4,00