Le Professeur se présente comme un alphabet de 28 scènes pornographiques, respectueuses de la chronologie d’une relation amoureuse, que ponctue un dernier texte intitulé Fin. Vingt-neuf chapitres constitués, chacun, d’une seule phrase, où la répétition lancinante des sujets (« le professeur », « la jeune élève ») et de certains mots (« l’âme », « bander ») lie l’abstraction de la parole au très concret de la pornographie. Lui parle beaucoup, elle, baise, lèche la merde, allume et suce les amis et « son corps fait un trou d’éclat pâle dans la pénombre. » Si leur relation émarge au registre du sadomasochisme (fouet, harnais, etc.), on remarquera qu’il n’est guère fait de violence au corps féminin. L’excès, le hors normes de cette relation-là a déplacé son enjeu vers la pensée, ou plus exactement, l’imaginaire, ce lieu de tous les possibles.
Si le corps de la femme s’ouvre à l’inconnu (elle attend nue dans les toilettes d’un restaurant qu’il vienne la chercher ; elle marche dévêtue la nuit sous la lumière des phares des voitures), l’esprit du professeur lui s’ouvre au gouffre que sa volonté fore dans le domaine du possible. Il s’agit, plus que d’engranger des exploits sexuels, de repousser les limites de la peur (« Le temps venait de nier les lois auxquelles la peur nous assujettit » écrivait Georges Bataille dans Le Mort). Il s’agit bien, en effet, par l’excès des pratiques sexuelles et par l’excès de la domination, de se libérer de l’assujettissement. Quête impossible et donc tragique pour l’homme, dont chaque avancée dans l’inconnu se traduit par l’évidence que nulle relation ne peut être entière : « le professeur sent l’eau d’amertume le croupi d’amour l’onction d’émotion lui noyer les yeux et tendre sa queue ». Le désir est ce qui fait bander et ce qui se dérobe en même temps.On ne trouvera donc pas ici les métaphores des romans érotiques bourgeois (se fondre l’un dans l’autre, s’unir, etc.) qui sont autant de poudre jetée aux yeux du lecteur. Dans Le Profe
Le Professeur Éditions Al Dante 90 pages, 100 FF
Dossier
Christian Prigent
Noir plaisir
octobre 1999 | Le Matricule des Anges n°28
| par
Thierry Guichard
Un auteur
Un livre