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Premiers romans La littérature en crue

octobre 1999 | Le Matricule des Anges n°28 | par Philippe Savary

Antoine Piazza plonge sa bibliothèque dans un tourbillon romanesque où les naufragés sont bien réels. La fiction ramène sa science avec plaisir.

À lire Roman fleuve, on ne doute pas qu’Antoine Piazza est un grand amateur de littérature française. On ne doute guère davantage de cette évidence : le lecteur a affaire à un écrivain d’une étonnante maturité. Il en faut effectivement du souffle et du panache pour mener à bien cette ambitieuse traversée au long cours qui vadrouille dans les eaux de la politique-fiction, de la littérature et du thriller. Passionnant du début à la fin, ce voyage de plus de 500 pages réconcilie avec le genre romanesque. Le récit se passe en France, prochainement. Les autoroutes sont réquisitionnées, le pays est menacé d’invasion par les alliés. Depuis dix ans, la France vit en totale autarcie parce qu’elle refuse son intégration à la Confédération pour préserver sa spécificité (surtout culturelle). Plutôt que de lever l’armée, son autocrate de Président choisit une autre parade : la puissance du Verbe. L’entreprise est colossale et folle : faire entrer la nation entière dans le monde de la fiction. Ce passage de « l’autre côté du miroir » garantirait à tous ses habitants l’immortalité, propre aux personnages de romans. Gestionnaire du basculement, un organisme d’Etat, la Délégation, est ainsi chargé secrètement de réaliser l’édition complète du patrimoine littéraire français. Tout est archivé, classé par des fonctionnaires serviles ou d’anciens repris de justice. Rien n’est trop beau pour glorifier la langue française : les livres sont réécrits, corrigés, certains auteurs étrangers rejoignent même le giron national au motif de filiations fantaisistes…
L’affaire est donc sérieuse. Pour expérimenter le gigantesque transfert, avant le décret présidentiel, un camp de colons est établi le long du Rhône. Y sont parqués les premiers personnages de fiction… en chair et en os. Jetés là dans ce « réduit marécageux, territoire harcelé par les sangliers et les intempéries », ils errent parmi les gardes, « hagards et indifférents ». Mais qui sont ces ombres énigmatiques ? « Il y avait les grandes héroïnes des petits romans (…) des femmes qui n’avaient pas quitté Paris (…) des figures médiocres (…) l’amalgame de vies sublimes et de dénouements tragiques ». Au gré des recherches et des souvenirs de lectures, la vérité se fait jour au travers de ce paysage fantastique et inquiétant. Gervaise Coupeau, l’héroïne de L’Assommoir côtoie Mme Bordin, l’éphémère fiancée de Bouvard, dans Bouvard et Pécuchet ; Glycère des Caractères, Virginie de Paul et Virginie ou encore l’obscure Mme Schontz de La Cousine Bette, et tant d’autres « splendides figures de cire, sans colère et sans souffrance ».
Zola, Flaubert, Rabelais ou Marivaux sauveront-ils la France ? Ne dévoilons pas la suite. Entre la réalité et l’imaginaire, Antoine Piazza utilise tous les ressorts du genre épique. Les meurtres, les naufrages, les rebondissements se déversent dans ce torrent romanesque. Et parmi ce long cauchemar éveillé, puisque tout est fiction, l’écrivain invente même un prix Nobel, Eugen Kleber-Gaydier, dont les 24 volumes de La Revanche des abîmes impressionnèrent fortement le Président. Simple jeu où la littérature serait le théâtre de tous les possibles, réflexion sur les forces et faiblesses de l’écrit face au pouvoir, ce premier texte si singulier n’en finit pas de nous poursuivre sitôt refermé.

Roman fleuve
Antoine Piazza

Éditions du Rouergue
524 pages, 119 FF

La littérature en crue Par Philippe Savary
Le Matricule des Anges n°28 , octobre 1999.
LMDA PDF n°28
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