Dans un monde qui part à vau-l’eau, comment demeurer entier et intègre ? Que faire lorsque l’abandon des principes se généralise ? Aux questions qui fondent le polar traditionnel, Johnny Deal dans la tourmente répond de manière tout autant traditionnelle. C’est donc une œuvre mineure, vraisemblablement destinée à s’inscrire dans une série (voir le précédent épisode sobrement intitulé Johnny Deal), ce qui ne veut pas dire, loin de là, qu’il s’agisse d’un texte sans intérêt.
D’un côté, l’homme d’affaires cubain Vicente Torreno, expatrié en Floride, qui partage ses loisirs entre propagande anticastriste, activités criminelles et élevage de poissons carnivores. De l’autre, l’entrepreneur Johnny Deal, auquel le passage du cyclone Andrew a offert un surcroît d’activité, chérissant femme et enfant sous le soleil de Miami. Les premiers chapitres laissent perplexe, alternant scènes de sadisme à la James Bond et présentation rose bonbon d’un couple modèle. Mais dès lors qu’un incendie ravage l’appartement et l’existence de notre héros, brûlant grièvement son épouse, le savoir-faire de l’auteur fait merveille. On suit avec un plaisir croissant l’enquête qui permettra de comprendre pourquoi un leader anticastriste a détruit la résidence d’un obscur entrepreneur ; on s’attache à de superbes seconds rôles (mention spéciale à Coco Morales, l’homme de main de Torreno) ; in fine, on s’étonne de la justesse morale du roman. Less Standiford pratique un artisanat modeste : c’est sans appuyer qu’il esquisse, par la voix de ses personnages, une subtile réflexion sur le sentiment de culpabilité. Et c’est sans pontifier qu’il met en cause le cynisme des U.S.A., prompts à s’allier les pires fripouilles pour reprendre le contrôle d’un pays communiste.
Johnny Deal dans la tourmente
Less Standiford
Traduit de l’américain
par Olivier Schwengler
Rivages/Noir
412 pages, 68FF
Poches Un bon deal
octobre 1999 | Le Matricule des Anges n°28
| par
Gilles Magniont
Un livre
Un bon deal
Par
Gilles Magniont
Le Matricule des Anges n°28
, octobre 1999.