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Poches L’amour de l’imposteur

octobre 1999 | Le Matricule des Anges n°28 | par Philippe Savary

Jusqu’où peut mener l’amour fou ? Juan Marsé retrace l’extravagant destin d’un mari trompé, piégé par sa propre histoire. Éblouissant.

L' Amant bilingue

C’est toujours un régal d’entrer dans les petits univers chamarrés et cruels de Juan Marsé, de se laisser conduire par cette écriture enchanteresse dans des histoires où le bonheur s’obstine à tourner le dos à ceux qui rêvent trop. Le passé que l’écrivain catalan ressuscite roman après roman, obsédé par cette Barcelone franquiste des années 40 et 50, suinte de blessures douloureuses : des personnages frappés par le mauvais sort, les illusions perdues et les troubles d’identité. Dans L’Amant bilingue, le récit de Joan Marés, 52 ans, est à la fois dramatique et excessivement futile. Voilà dix ans que sa femme l’a quitté après avoir été surprise dans les bras d’un cireur de chaussures. Cela aurait pu être un garçon de café, un gitan ou un guitariste de flamenco : Norma Valenti avait un tendre penchant pour les charnegos, ces immigrés bazanés. C’était pourtant un mariage inespéré. Le début d’un conte de fées pour Joan. Elle, fille d’une famille aisée à la villa enviée ; lui fils d’une ancienne chanteuse alcoolique et d’un illusionniste, avec pour seul refuge « une enfance maraudeuse, ventriloque et contorsionniste ». Les deux s’étaient rencontrés lors d’une grève de la faim dans un local des Amis de l’Unesco. Pour garder intacte la profondeur de ses blessures, le narrateur raconte, raconte comment depuis le flagrant délit, il se consume, erre sa peine dans l’appartement que Norma lui a laissé.Encore follement épris de la belle, Joan s’apitoie, boit et mendie. Le genre de gars tombé si bas que lorsqu’il voit « par terre une peau de banane ; au lieu de l’éviter il tente la chance ». Chaque jour, il récite avec son accordéon des vieux boléros romantiques aux passants des ramblas, les habits en guenilles, une pancarte autour du cou : « Musicien au chômage, rhumatisant et murcien, abandonné par sa femme », « Fils naturel de Pablo Casals cherche opportunité »… Parfois, pour calmer son désespoir, il appelle Norma à son travail (sociolinguiste, elle est chargée de promouvoir le catalan) en maquillant sa voix. Parfois, il la piste dans la rue, lui chuchotant des obscénités. Mais ce n’est pas suffisant. L’absence de l’être aimé le rend dingue. Alors, au fil de ses tourments, la passion fiévreuse de l’amour aidant, (« Difficile de dire s’il entrait dans son rêve ou s’il en sortait ») Joan se dédouble en Juan Faneca, parfait charnego, « habillé comme un mac », perruque frisée, bandeau sur l’œil et zézaiement de circonstance. Un petit galop de séduction auprès de sa grosse veuve de palier valide son nouveau personnage… prêt à partir reconquérir le cœur de son ex.
On ne dira rien de ce qui suit, de ce délire grandiloquent d’homme mûr, conscient d’habiter « un rêve qui tombe en morceaux ». Après une enfance misérable, rythmée par l’ivrognerie et la Singer maternelles, et une vie de saltimbanque, Joan croyait échapper à son destin. Il se retrouve dans la rue, pauvre accordéoniste, ou dans un hôtel miteux, à commenter les films de la télé à une jeune aveugle. Autant satire sociale (le fossé qui a déchiré Barcelone pendant le franquisme n’est pas comblé) que délicieux portrait d’un mari naïf et pathétique, L’Amant bilingue s’amuse de la chute des paradis perdus. C’est un hymne à la gloire des magnifiques perdants.

L’Amant bilingue
Juan Marsé

Traduit de l’espagnol
par Jean-Marie Saint-Lu
10/18
246 pages, 44 FF

L’amour de l’imposteur Par Philippe Savary
Le Matricule des Anges n°28 , octobre 1999.
LMDA PDF n°28
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