Cerner l’enfance et l’adolescence, le passage de la première à la seconde, beaucoup d’écrivains s’y essaient sans parvenir à se défaire d’une dose de nostalgie collante qui est une preuve de la distance qu’ils ont pris avec le début de leur vie. Jean-Luc Payen, après un texte publié à l’Arpenteur sur l’internement psychiatrique en 1990, réussit à rendre quant à lui la pulpe complexe de cet âge de transition. Luc, Mijoux et leur sœur Liz, trois enfants, en grandissant, se familiarisent avec les joies et les gouffres de l’existence. Foyer familial recomposé après la mort du père, dirigé par un beau-père autoritaire -« Son visage était plombé, tous les traits tendus comme si la peau de son visage était soutenue par un réseau de câbles en acier. Ses yeux chauffaient comme deux billes passées au feu. Un masque de guerre, plein de rage, gris comme la cendre »- drames à répétition, la force de Jean-Luc Payen est d’inclure une certaine forme de dérision et d’énergie au centre d’un quotidien difficile à vivre et ce regard est bien celui de l’enfant qui avance. Le Hamac rouge contient entre autres des pages intenses sur la découverte de la sexualité à travers L’Écho des Savanes et sur l’écriture « Je savais que je m’étais mis à écrire pour de mauvaises raisons, sous l’éblouissement, et qu’on n’écrit pas longtemps sous éblouissement. Ce qu’il fallait, c’était écrire parce qu’on aimait ça et que l’on cherchait. Rien ne résistait mieux à la corrosion. » La langue est toujours précise et simple. Ce qui marque surtout, c’est la sincérité de cette voix qui se livre sans détour, son efficacité. Il se pourrait que le roman de Jean-Luc Payen trouve une place entre le Poil de Carotte de Jules Renard et le Requiem des innocents de Calaferte.
Le Hamac rouge
Jean-Luc Payen
Éditions Joëlle Losfeld
284 pages, 115 FF
Domaine français Dans le mille
janvier 2000 | Le Matricule des Anges n°29
| par
Benoît Broyart
Un livre
Dans le mille
Par
Benoît Broyart
Le Matricule des Anges n°29
, janvier 2000.