Le Cahier de moleskine noire du délateur Mikhaïl, quinzième ouvrage de Catherine Lépront, évoque en suivant la forme de la fiction romanesque, la mémoire d’un temps douloureux, celui de la Kolyma, des camps de travail du régime stalinien.
En 1960, Oleg Stepanovitch reçoit des mains d’Alexandre Fomine, son concierge, véritable ami ayant pourtant contribué à son arrestation et à son intégration dans les camps, une lettre d’une jeune Italienne. « Quand j’ai reçu la première lettre, j’avais les instincts d’un animal rompu à toutes les ruses, toutes les violences des chasseurs et des prédateurs, et je ne laissais de m’en étonner, moi qui n’étais plus, par ailleurs qu’un vieillard de quarante ans indifférent à son sort. »
Elle cherche à obtenir des informations sur son frère Ottavio Manucchi, géologue avec lequel Oleg a fait un morceau de route durant son emprisonnement. Avant de s’éteindre, l’homme est animé par une seule obsession : retrouver la trace du délateur Mikhaïl responsable de sa présence à la Kolyma. La raison du scientifique le quitte alors progressivement.
Catherine Lépront entretient une épaisse chape de mystère, multiplie les éléments véhiculant l’obscurité plus que la lumière pour s’orienter vers une formule universelle qui semble bien pouvoir s’appliquer à toute forme d’autoritarisme.
Ce court roman montre la bassesse potentielle de l’humain et ses capacités à anéantir son semblable. Le texte, pour toucher une part de la vérité, s’infiltre dans l’univers du cauchemar. Mettant en scène des personnages sombres et brisés, l’écrivain parvient à donner toute son ampleur à cet épisode historique et monstrueux, à faire de lui un acte littéraire.
Le Cahier de moleskine noire
du délateur Mikhaïl
Catherine Lépront
Seuil
144 pages, 89 FF
Domaine français L’horreur de la dénonciation
mars 2000 | Le Matricule des Anges n°30
| par
Benoît Broyart
Un livre
L’horreur de la dénonciation
Par
Benoît Broyart
Le Matricule des Anges n°30
, mars 2000.