Après un touchant roman sur l’adolescence, Le Hamac rouge (Lmda N°29), Jean-Luc Payen change de registre. Il fait disparaître toute trace de ponctuation pour rester au plus près de la voix d’un homme qui souffre. Le prisonnier parle, livre d’un seul bloc son expérience quotidienne. L’œil du lecteur suit son flot de paroles sans difficulté, car les mots trouvent rapidement leur pulsation, s’articulant selon un rythme proche du théâtre ou de la poésie.
Un monologue comme seule issue, avec l’espoir de rendre compte du degré d’horreur atteinte dans ce camp de mort et de travail, où l’on fait déplacer des montagnes aux prisonniers, à longueur de journées : « …le camp et la montagne sont des lieux conçus pour la souffrance et la mort des lieux où elles sont données avec la plus grande désinvolture des lieux où elles sont chez elles maîtresses absolues c’est elles qui circulent là souffrance et mort rien qu’elles nuit et jour rien d’autre au moindre prétexte les prisonniers sont battus ne s’en relèvent pas rejoignent le camp sur une civière entrent à l’infirmerie n’en ressortent que pour être jetés comme de vieux sacs sur le tas de cadavres du coin nord… »
Sans temporalité ni lieux définis, XCA Le Camp se veut l’écho de toute forme concentrationnaire, un reflet des camps ayant existé jusqu’à aujourd’hui et de ceux qui pourraient naître.
Dans ce milieu où l’anéantissement des prisonniers est un but, l’homme ne cesse de résister. Il trouve parfois dans le regard de son voisin la force de continuer à marcher. Car ce que XCA Le Camp aborde, avec une lucidité et une force d’évocation peu commune, c’est avant tout l’infini pouvoir de résistance que possède l’être humain.
XCA Le Camp
Jean-Luc Payen
Éditions Joëlle Losfeld
132 pages, 89 FF
Domaine français Univers concentrationnaire
septembre 2000 | Le Matricule des Anges n°32
| par
Benoît Broyart
Un livre
Univers concentrationnaire
Par
Benoît Broyart
Le Matricule des Anges n°32
, septembre 2000.