« On pourrait écrire tout un roman qui raconterait une histoire : la mienne, celle d’un homme se dénudant lentement, au fil de nombreuses années, du secondaire et même de ce qui peut être tenu pour essentiel ». De fait, c’est, sinon ce dénuement, du moins cette lente approche vers l’œuvre qu’on suit à travers ces pages dont l’auteur, peu à peu finira par se défaire pour n’écrire que la Biographie. Dans l’alternance des phases créatrices et des phases dépressives, on ressent la douleur et le danger de qui a décidé d’aller « de ce côté, jamais d’un autre ». Si l’écriture, ici, est moins radicale que celle d’Une vie, elle nous offre du moins, par la proximité qu’elle génère entre l’écrivain et le lecteur, un chemin d’accès moins abrupt. Car même s’il est fait référence maintes fois aux premiers titres de la biographie en cours, Variations… apparaît d’emblée comme une porte d’entrée idéale de l’œuvre. Le centre, autour de quoi, en spirale, Une vie ne cesse de tourner, se pare ainsi d’une nouvelle périphérie. Mais Variations… existe aussi en dehors de l’œuvre. Le questionnement incessant de l’écrivain, sa pensée, alimentent bien autre chose que le seul souci de l’écriture à accomplir. En commençant par l’exploration angoissée du vide (« Je ne me résouds pas à ce qu’il n’y ait rien après la mort ») les carnets interrogent sans relâche la nature de l’homme. L’art, et la musique omniprésente, résonnent dès lors comme un écho à cette interrogation autant philosophique que métaphysique. Quelque chose se passe là, le lecteur en a plus d’une fois le sentiment, qui est proche de révéler l’entrée cachée de l’autre monde (comment le nommer autrement ?). Variations… dès lors est un livre à jamais ouvert, qu’on lira et relira pour retrouver, les unes mêlées aux autres, la vie d’un homme qui s’interroge, celle d’un penseur qui questionne les œuvres et celle, enfin, de celui qui écrivit Moriendo.
Variations sur des carnets Cadex Éditions 260 pages, 150 FF
Dossier
Roger Laporte
Comme un sésame
Loin d’être le chemin de ronde qui éloigne l’écrivain de l’œuvre à accomplir, Variations sur des carnets est le carrefour où se croisent les voies empruntées par Roger Laporte dans son expérience intérieure. Notes sur l’œuvre à venir, propos rapportés des rencontres avec les auteurs (Char en particulier) et les peintres, lectures ô combien exaltantes des grands anciens, traces laissées par la douleur, la peine et la souffrance : ce précieux document a de quoi alimenter longtemps le lecteur.