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Poésie Du desperado au désespérado

janvier 2001 | Le Matricule des Anges n°33 | par Thierry Guichard

Construit en deux parties et trois mouvements, le nouveau recueil de F. J. Ossang découvre au final un paysage de montagne après la furie. Sous la révolte, les blessures d’une utopique sensibilité.

Landscape et silence

Né en 1956, François-Jacques Ossang s’est fait une réputation sulfureuse en filmant rageusement l’époque punk à laquelle il a contribué.Il suffit de le voir dans son premier long métrage, L’Affaire des divisions Morituri éructant un lyrisme de révolte, perfecto clouté sur les épaules et crête hirsute autant qu’indienne pour coiffure.L’image en noir et blanc de ce film tressaute de séquences en séquences, balançant ses slogans rageurs en prise directe sur une bande son embrouillée. Un cinéma entre Godard et les Sex Pistols1.
Mais Ossang s’est d’abord lancé dans la littérature en créant en 1976, du côté de Toulouse, une revue vouée à l’écriture moderne, Cee. Puis il forme le groupe de noise’n’roll Les Messageros Killers Boys (ou MKB) Fraction Provisoire avec lequel il se lancera dans une carrière de cinéaste.
Quand il ne promène pas sa caméra sur toute la planète, Ossang saisit donc le monde avec sa plume (mais le mot « plume » convient-il ?). Le monde électrique, sauvage, d’une fin de siècle bruyante et accélérée est jeté ici sur le papier dans une profusion d’images qui s’entrechoquent, cassent le rythme des phrases. « C’est de mon être entier que j’ai voulu aimer l’excès du siècle » écrit-il dans Landscape et silence. Collision entre un individu et une histoire peu avare en massacres, crimes, violences et sur quoi plane le nuage radioactif de Tchernobyl. Aux révoltes déjantées succède donc cet air de blues, et comme une immense fatigue car « le temps court/ la route s’achève ».
On lit ces textes comme si dans une hallucination syncopée on saisissait sur un écran la projection stroboscopique d’un collage tremblotant. Quelque chose qui abîme la rétine et force à fermer les yeux. Ou à voir le monde autrement. « Il faut écrire, le plus mal sera le mieux » : allez expliquer ça ! Cette rage à ne pas vouloir suivre les mêmes sentiers, les mêmes autoroutes du langage. Ce hors piste qui ressemble à un hors-la-loi esthétique. On ne peut pas dire qu’Ossang prend ses lecteurs par la main, qu’il les guide. La rupture est consommée : « Le fond s’est rompu entre la communauté humaine et moi ». Tristesse, détresse : les héros sont fatigués. Mais les riffs de guitare ont donné leur rythme aux textes. Ça griffe et ça déchire, le sens et les sonorités sont distordus, « c’est un brouillage inextricable de végétations, de lymphes,/ de verbes - tout un appareillage/ de spores, qui concocte la propriété artistique. »
Chant du cygne ? Dans le dernier poème de cette première partie du recueil, l’année 1999 évoquée dans le titre sonne comme un bilan : défilent les pays visités, aimés ou haïs dans une accélération de souvenirs qui mélange les couleurs du monde. On dit qu’un homme qui meurt voit ainsi défiler sa vie en quelques fractions de seconde… N’en est-il pas de même d’un desperado ?
F.-J. Ossang ressemble à un chef indien, rebelle sans compromis, qui voit ses enfants faire la queue devant les Mc Donald’s. Perdant magnifique à la Leonard Cohen, il « voudrai(t) coudre les fractions de mots/ référents à un monde que je ne veux plus,/ qui me cisaille (…) ». Coudre comme on coud une plaie, les mots comme autant de points de suture qui signalent la blessure.
Convalescent, le recueil aborde dans sa dernière partie un paysage de montagne où il neige. Contemplatif, presque apaisé, le poète ne rejoint-il pas ainsi les vieux ermites chinois des temps anciens ? Le monde est peut-être le même aujourd’hui et hier si on lui retire le bruit et la fureur des hommes. Et le soir qui tombe (sur le poète et sur la Terre) révèle les mêmes « eaux planes derrière cette ombre d’arbre seul qui veille/ après le soir sans feuillage, branches figées. Bruit de tension glaciaire ténu dans la respiration géante de Minuit. » Retour sur soi, sur l’attente quasiment mystique : « L’air blanc s’emplit de vague, et gagne jusqu’aux lisières./ Le regard se disperse à l’intérieur. » On assiste à une mue : la peau d’un guépard contre celle d’un vieux lion ; le tempo ralentit, les accords convergent vers l’harmonique, puis vers ce que le titre annonce : le silence. Et mot de la fin laissé à Claude Pélieu, le frenchy de la beat generation : « Nos vies tatouées de souvenirs qui ne veulent pas mourir sont un peu comme ces films oubliés où on filmait l’invisible. »
T.G.

Signalons la publication chez le même éditeur de Le Ciel éteint (80 pages, 52 FF), recueil de proses courtes.

1 Les films d’Ossang se trouvent en vidéo aux Films du Paradoxe BP47 92270 Bois-Colombes

Landscape et silence
F.-J. Ossang

La Notonecte
54 pages, 30 FF

Du desperado au désespérado Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°33 , janvier 2001.