Avec Pilgrim, Timothy Findley offre sans aucun doute le plus démesuré de ses romans. S’y mêlent, avec une jubilation impressionnante et un sens aigu de la construction, l’histoire, l’art, la littérature, le fantastique et la folie, au sein d’une temporalité balayant la presque intégralité du second millénaire. Le programme annoncé aurait de quoi décourager certains lecteurs et pourtant, Pilgrim se révèle aussi un texte à grande vitesse, curieux, aventureux et en perpétuel mouvement.
L’action principale se situe en 1912. Un certain Pilgrim vient de se pendre. Il est retrouvé mort dans son jardin. Quelques heures plus tard, son cœur recommence à battre. Bientôt interné dans une clinique psychiatrique en Suisse, son cas sera suivi par Carl Gustav Jung.
La fiction digère lentement la réalité, puisque l’écrivain s’appuie sur de nombreux éléments historiques pour faire progresser son récit. Dans Le Chasseur de Têtes (Le Serpent à Plumes, 1996), le lecteur était convié au singulier recyclage de personnages littéraires qu’il pouvait croiser au fil des pages. Ici, l’auteur change de point de vue pour donner une dimension fictionnelle à des figures. Le résultat est saisissant. Impossible de lâcher prise. L’étonnement du début de lecture laisse rapidement la place à la logique imparable du romancier. Findley parvient toujours à pousser son lecteur aussi loin qu’il le souhaite. Vinci, Mona Lisa, sainte Thérèse d’Avila, Oscar Wilde et C. G. Jung feront donc partie, avec d’autres, des relations hétéroclites entretenues par Pilgrim, au fil de ses multiples existences, cela sans qu’à aucun instant, la vraisemblance ne soit malmenée.
En situant l’action de son roman dans la clinique psychiatrique de Carl Gustav Jung, Findley explore une fois de plus l’univers de la folie qu’on retrouve dans tous ses romans, mais ici, il le fait de façon plus radicale. On assiste, avec la naissance du vingtième siècle, à l’évolution de la pensée psychiatrique. Jung, disciple de Freud, rompt progressivement avec son maître à penser. La conception de la folie est en mouvement.
La beauté du geste de Timothy Findley est bien de nous faire croire que le personnage de Pilgrim ne ment jamais. Il est à la fois cet infatigable voyageur, éreinté par ses vies successives et ce mythomane incurable. Au fond, la question soulevée est toujours la même chez l’écrivain canadien. La folie n’est qu’une sorte d’acuité de la perception. Celui qui est considéré comme fou a simplement atteint depuis longtemps la vérité. Son problème tient en quelques mots : la réalité qu’il parcourt est toujours insoutenable.
Né en 1930 dans l’Ontario, Timothy Findley partage aujourd’hui son temps entre le Canada où il vit et la Provence où il écrit. Septième texte traduit en français, Pilgrim appartient à une œuvre déjà vaste, qui comportent neuf romans, ainsi que des nouvelles et des pièces de théâtres qui n’ont pas encore franchi l’Atlantique. Très connu dans son pays, traduit en...
Entretiens Timothy Findley, la vie est folle
avril 2001 | Le Matricule des Anges n°34
| par
Benoît Broyart
Touffu et passionnant en diable, son nouveau roman s’impose comme une plongée irrémédiable et fascinante dans la schizophrénie. Mais Pilgrim est aussi un grand opus voué tout entier à l’imagination.
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