L’actualité éditoriale sait jouer des tours dont elle n’est souvent pas maîtresse. Aujourd’hui, Mina Loy bénéficie d’une lumière immédiate qui forme un contraste aveuglant avec l’oubli qu’elle subissait depuis des lustres -éteints, évidemment. Un roman fraîchement sorti tente de restituer un peu de la vie d’un trio mythique : Jack Johnson, le boxeur noir américain, Arthur Cravan, boxeur du monde littéraire, Mina Loy son épouse. Pourra-t-on, enfin, renverser un peu de ce « Mina Loy, son épouse », et redonner à celle-ci la place qu’elle mérite ?
Née en 1882, amazone des aventures artistiques de la première moitié du siècle -avant de se retirer, silencieuse, pour écrire-, la postérité de Mina Loy se réduisait à ces figures qu’on ne lit pas mais qu’on accole à leurs fréquentations, soit, ici, Gertrude Stein, Marcel Duchamp, le grand phallocrate futuriste Marinetti, Arthur Cravan, son grand amour. Grâces soient rendues à L’Atelier des Brisants qui répare aujourd’hui l’injuste silence éditorial qui frappait ses écrits, par un volume qui en annonce d’autres.
Ceux qui craindraient un formalisme d’avant-garde corrigeront l’a-priori en glanant dans ces pages des paroles libres, mouvantes, jamais contraintes par une esthétique qui ferait marque de fabrique. On glisse ainsi de confessions frontales -« donnant vie/ j’ai dû me vider de toute vie »-, à des poèmes plus narratifs saisissant les moments de la modernité d’alors. C’est un recueil brumeux, aussi, comme un soir londonien, dilatant des espaces mystérieux, proches des tableaux de Max Ernst, ou d’un certain « cubisme psycho-analytique »- comme le signale Olivier Apert, traducteur dévoué. Loy développe une écriture magnétique, toujours surprenante -schizophrène ?- oscillant du plus brut au plus alambiqué. C’est fait, saisissons le, Mina est de retour.
Le Baedeker lunaire
Mina Loy
Traduit de l’anglais par Olivier Apert
L’Atelier des brisants
171 pages, 150 FF
Poésie Amazone point conne
avril 2001 | Le Matricule des Anges n°34
| par
Pierre Hild
Un livre
Amazone point conne
Par
Pierre Hild
Le Matricule des Anges n°34
, avril 2001.