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Domaine étranger La prose au poing

mars 2002 | Le Matricule des Anges n°38 | par Pascal Paillardet

L’Écossais James Kelman braconne les malheurs des éclopés et des dépenaillés. Le Mécontentement, son deuxième roman traduit en France, expose sans commisération les amertumes ordinaires.

Le Mécontentement

Les vies encrassées de désespoir ne résistent pas à la pitié des lavandières de la littérature. Lorsqu’elles se penchent sur le baquet des traîne-misère, leurs plumes émoustillées par l’importance de l’affaire, une idée de shampoing traverse leur écriture. Leurs pages rétrécies sentent le linge propre, et c’est une hypocrisie car le désespoir ne sent rien, ou alors il sent l’amertume et la peur. Et puis il sonne creux, le désespoir, il est dégueulasse, c’est de la boue collée aux semelles, c’est de la poisse qui noircit la routine des jours.
L’Écossais James Kelman, 56 ans, est en maraude dans cette détresse-là. Il prend ses personnages par le col. Il les secoue. Il furète dans le cœur de ces accidentés comme dans un fond de tiroir. Les clefs d’une bagnole pourrie, un prénom de femme griffonnée sur un bout de papier, des tuyaux d’électricien dégotés dans une décharge, des rêves ruinés, des pensées mal fagotées, des « conneries sentimentales » : James Kelman ramasse tout ça, toutes ces bravoures insignifiantes et ces défaillances quotidiennes. Sans rançonner la pauvreté sociale et la misère affective, sans davantage négocier avec l’honorabilité et la commisération, l’écrivain de Glasgow lâche l’uppercut de son roman. « Si vous comprenez le mot fuck, vous avez compris un tiers de la production de Kelman », a écrit un journaliste anglo-saxon, indigné par le Booker Prize décerné en 1994 à James Kelman pour How late it was, how late (non encore traduit en France). Rien de plus faux. On n’aura rien compris à ce style où les phrases meurent parfois au bord du gouffre, comme une conversation entre potes éméchés, à cette syntaxe où la bourrade d’un « putain de merde » ponctue une réplique avec plus de fermeté qu’une virgule, à cette façon enfin d’envisager le récit à travers les sinuosités du monologue et les coups redoublés de la répétition. James Kelman ne triche pas avec ses personnages.
« Ma vie est seulement une vie ordinaire », dit Patrick Doyle, professeur d’un collège de Glasgow, dont le désœuvrement suscite le ton désenchanté du roman Le Mécontentement, le deuxième de Kelman disponible en France -après Le Poinçonneur Hines, paru en 1999 chez Métailié. Lassé du mirage professoral (« Mes mots sont ceux qui vous enferment », dit-il à ses élèves), Patrick Doyle hésite à quitter son poste de « gardien d’enclos ». Il patiente en draguant mollement sa collègue Alison, assiste à des matches de foot sans le sérieux requis par la discipline (« Il y a eu un seul but et je l’ai manqué »). « Je suis seulement une personne venant des profondeurs de l’universalité qui mène sa vie du mieux qu’elle peut, sans jamais beaucoup demander sauf d’éviter les coins et les recoins les méandres et les tournants ». Et puis, bon sang, rien d’autre. Rien d’autre que le talent de James Kelman, quasiment inconnu en France malgré la dizaine de livres publiée depuis le début des années 1970 -lorsqu’il suivit, de retour en Écosse après avoir abandonné l’école et sa famille à 15 ans pour errer aux États-Unis, des cours du soir à l’Université de Glasgow en compagnie d’Alasdair Gray. Rien d’autre que cette manière féroce de faire dégorger ses personnages.

Le Mécontentement
James Kelman
Traduit de l’anglais (Ecosse) par Céline Schwaller
389 pages, 19,5 euros (127,91 FF)

La prose au poing Par Pascal Paillardet
Le Matricule des Anges n°38 , mars 2002.