Il y a certains événements qui marquent à jamais les esprits. Les attentats du 11 septembre contre les Twin Towers et le Pentagone ont modifié notre perception du monde. Difficile de dire exactement de quelle manière. Écrire pour le théâtre sur le 11 septembre semblait impossible. Quelle métaphore théâtrale était capable de retranscrire la portée d’un tel événement ? Michel Vinaver s’en tient à la réalité. Comme si, saturé de mots et d’images, il essayait d’en retenir quelques-uns pour en garder précieusement la trace. Vinaver écrit ce texte dans les semaines qui suivent le double attentat. Une première version en américain, provenant de la lecture de la presse quotidienne, qu’il traduit en français par la suite. La publication de L’Arche est donc bilingue. La forme de ce texte se rapproche, selon l’auteur, « de celle des cantates et des oratorios, se composant d’airs (à une, deux ou trois voix), de parties chorales (qui, dans la version française, restent dans la langue originale, c’est-à-dire en américain, ndlr), et de récitatifs pris en charge par un « journaliste », fonction qui peut faire penser à celle de l’évangéliste dans les Passions de J. S. Bach ».
Mélange de voix, celles des passagers des avions, des contrôleurs aériens, des employés des diverses sociétés des Twin Towers, un compte rendu des feuillets d’instruction aux terroristes, mêlées avec les voix de Bush ou de Ben Laden… Avec ce temps compté, ces minutes qui passent impitoyablement entre le premier crash et l’effondrement de la deuxième tour. Des petites voix d’anges coincées entre deux Dieux, celui de Bush ou celui de Ben Laden. Ce texte comporte effectivement un mélange entre le profane et le sacré, on pense à un opéra de Philip Glass mais aussi à un mémorial. On retient particulièrement ces petites choses, comme le seau en métal de Jan Demczur, un laveur de vitres. Jan Demczur était coincé dans l’ascenseur avec cinq autres personnes pendant l’explosion. C’est grâce à l’arête métallique de son racloir qu’il a pu percer puis découper une paroi, lui permettant de descendre les étages et de déboucher dehors cinq minutes avant que la tour ne s’effondre. « Cet homme avec son racloir, il a été comme notre ange gardien », dit l’un des rescapés. Un tout petit miracle au racloir.
11 septembre 2001/11 September 2001
Michel Vinaver
L’Arche
72 pages, 9,50 euros
Théâtre Le miracle au racloir
juin 2002 | Le Matricule des Anges n°39
| par
Laurence Cazaux
Un livre
Le miracle au racloir
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°39
, juin 2002.