Comédien et dramaturge, Sébastien Joanniez a écrit un premier roman pour la jeunesse après avoir rencontré Guillaume Guéraud, un des auteurs phare des éditions du Rouergue. Son Marabout d’ficelle évoque avec beaucoup de tendresse les difficultés d’existence du petit Léo. Le garçon habite chez ses parents et « pense qu’ailleurs, c’est mieux, mais bon. » Dans l’appartement de l’HLM où ils vivent, la télévision fonctionne à plein régime : le père, au chômage, cherche ainsi du travail… Dans le voisinage, il y a Amédée, petit Sénégalais avec lequel Léo va au foot et surtout « Ingrid et Nora, elles sont copines. Ingrid, c’est la moche. » Léo fait part aux deux filles de son désir d’avoir un jumeau. Ingrid, qui est intelligente mais peu sensible se moque de lui. Pas Nora qui va, dans la cave où il vit, lui présenter un marabout.
Sébastien Joanniez parvient à éviter les écueils de la veine réaliste dans laquelle il a inscrit cette histoire. Si les personnages obéissent un tantinet aux clichés du genre (le père assez violent et dépressif, Amédée encombré d’une ribambelle de frères et soeur), on échappe aux violons grâce à la voix juste du petit Léo, le narrateur. Ses phrases disent bien la misère humaine dans laquelle il se débat mais ne s’y appesantissent jamais, préférant l’humour ou le rêve. C’est un enfant un peu perdu, timide au point d’avouer que si Nora et lui se sont embrassés, « C’est un peu par hasard. Mais elle a pas dit non et moi j’ai dit oui alors… » Léo n’est pas un héros, pas une victime non plus, juste un enfant qui ne met pas bien encore les mots sur ce qui le tarabuste. Sa maladresse permet à l’auteur de faire de belles trouvailles dont celle qui clôt l’attente de la venue d’un petit frère : « Mon frère est né, il s’appelle Nina. C’est ma soeur. »
Le livre doit beaucoup aussi aux illustrations joyeuses et ironiques de Régis Lejonc qui apporte sa fantaisie dans la mise en page. Le père est ainsi représenté avec une tête de… téléviseur, la nuit envahit toute la page et oblige la typographie à se vêtir de blanc. Surtout, l’illustrateur a su jouer sur les mots forts du récit : ceux sur lesquels Léo glisse pour ne pas s’enliser dans la tristesse.
Marabout d’ficelle
Sébastien Joanniez
Le Rouergue
90 pages, 6 euros
Jeunesse Un frérot pour Léo
juin 2002 | Le Matricule des Anges n°39
| par
Thierry Guichard
Un livre
Un frérot pour Léo
Par
Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°39
, juin 2002.