Il existe bien des passerelles entre l’oeuvre de Marisa Madieri, écrivain aujourd’hui disparu, et celle de Claudio Magris, son compagnon, auteur d’une postface à Vert d’eau. Tous deux considèrent que le décor historique est indispensable à qui veut comprendre sa vie. Sous la forme d’un journal, Marisa Madieri rappelle, avec pudeur et subtilité, l’exil des Italiens d’Istrie, chassés par les Yougoslaves après la Seconde Guerre mondiale. Elle y cherche ses racines, dans une démarche qui tisse, en remontant le temps, un fil d’Ariane vers le passé. Rien n’y resurgit spontanément : « ce magma indistinct, qui, au long des années, s’était accumulé en un fond sombre et refoulé » demande un effort pour être redécouvert. L’écriture représente cet effort, cette lente gestation confiée au regard de tous. Il en ressort un message clair : la nécessité de cultiver la mémoire, sous peine d’oublier les drames de l’Histoire et se perdre soi-même. Marisa Madieri s’attarde bien volontiers sur le destin des femmes du clan Madieri, plutôt qu’à celui des hommes. Elle passe rapidement sur ce père qui transformait sa vie « en un roman de cape et d’épée, riche d’épisodes, d’aventures, d’exploits, auquel il finit par croire ». Le livre se construit ainsi : à chaque jour d’écriture correspond un épisode lointain et son pendant dans le présent. Seul l’avenir semble écarté d’emblée : il faut d’abord savoir d’où l’on vient et qui l’on est avant d’entreprendre quoi que soit. Les souvenirs personnels ne sont pas forcément la chose à retenir de ce livre. Il s’agit plutôt d’un discours de la méthode, communiqué comme en testament. Entre l’essai personnel et le récit historique, Vert d’eau dénote d’une grande audace. Sans d&eacut
Vert d’eau
Marisa Madieri
Traduit de l’italien
par Pérette-Cécile Buffaria
L’Esprit des péninsules
193 pages, 18 euros
Domaine étranger Passé redéfini
juin 2002 | Le Matricule des Anges n°39
| par
Franck Mannoni
Un livre
Passé redéfini
Par
Franck Mannoni
Le Matricule des Anges n°39
, juin 2002.