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Domaine français Logorrhée du fils

mars 2003 | Le Matricule des Anges n°43 | par Thierry Guichard

Roman obsessionnel, scansion cauchemardesque de l’héritage familial, Brèves histoires de ma mère évoque peut-être aussi l’incestueux commerce de l’écrivain avec la littérature.

Brèves histoires de ma mère

Certains romans sont des torrents, vous y entrez aussitôt vous êtes emportés, balayés, noyés. Brèves histoires de ma mère est un fleuve de boue et de foutre, qui vous colle au cerveau en même temps qu’il vous ensevelit. On est pris, tout de suite, par cette parole précipitée autant qu’asthmatique, qui nous refuse le repos d’un point (sinon d’exclamation ou d’interrogation). C’est un sol qui se dérobe sans cesse mais on avance sur les vestiges du précédent roman de Bernard Desportes, Vers les déserts (Maurice Nadeau, cf. Mda N°26). On retrouve cette même géographie qui s’éternue, avec les villes de Dlav, Glurk qui « est très riche en cimetières », Splatch, Mgol et les mêmes frères Volo et Vlad, Golo, Molo, la même mère fossoyeuse, le même cauchemar. Dans ces territoires aux noms improbables et à la nature hostile, villes bâties sur des décharges publiques, paradis des rats ici, des insectes là, c’est une humanité à la Thomas Bernhard qu’on croise d’abord, depuis Stroghl, où le narrateur observe un enterrement. Il voit « la Oustefeld, grosse pétasse » qui « ouvrait le cortège avec un jogging rose à fleurs moulant ses énormes cuisses, avec son air invariable de bonté saloparde et contrite » et toute la famille du même acabit. Et dans ces villes où tout habitant lambda est« un peu fasciste en somme (et) aurait bien envoyé en camp tous les déviants divers » il faut le ressassement de Thomas Bernhard pour enfoncer le clou, ressasser l’ennui et le dégoût jusqu’à la nausée. Mais on pense beaucoup aussi à Guyotat, dans cette prose à ras des égouts, où pullulent les putains, jeunes adolescents « suçant et tringlant » ou « se faisant tringler » sous-humanité abandonnée de Dieu. À l’image de Vlad le narrateur principal que sa mère vient sucer le soir, ivre de mauvais vins, -il n’a pas quinze ans et « elle prenait entre ses doigts mon sexe gonflé par la nuit, l’attente, maman disais-je non, ma voix était si faible, étranglée par l’émotion »- qui chaque nuit jusqu’à ce qu’elle meure « sombrai(t) dans un sommeil de chutes et d’effroi. » On pense aussi à Michel Surya qui dans une langue plus asthmatique et plus ténue évoque dans Olivet la mort des géniteurs détestés, lorsque Vlad nous raconte la mort de sa mère, dans ce rythme exténuant qui pousse jusqu’au bout des ténèbres l’horreur des souvenirs. Pourquoi faut-il qu’on pense à d’autres livres, alors qu’on s’accroche à la folie verbale de Vlad ? Pour échapper aux images si lourdes, si détestables qui jaillissent ? Peut-être. À moins que ce ne soit parce que Guyotat, Bernhard, Surya et Kafka ou Beckett ne soient effectivement dans ces pages. Écrivains dont les textes, à l’inverse de ce que fait la mère (fossoyeuse), déterrent du matériau intime de l’auteur, ces images d’inceste, de pédophilie, de mort et d’absurde. Vlad avoue écrire et nous lisons les feuillets rescapés de ce palimpseste familial.
On l’a compris : lire Desportes n’est pas à proprement parler une partie de plaisir et Brèves histoires de ma mère un roman qu’on offrira aux gens qu’on aime. On pourra reprocher à l’auteur de trop en faire dans son style de cogneur rageur, faisant de la lecture la sœur jumelle de la nausée. Mais cette histoire obsessionnelle n’est peut-être qu’un exercice de deuil : celui d’une littérature de la consolation et des espérances. La nuit est là, allons jusqu’à son terme, jusqu’à épuisement.

Brèves histoires
de ma mère

Bernard Desportes
Fayard
192 pages, 15

Logorrhée du fils Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°43 , mars 2003.
LMDA papier n°43
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