En moi des morceaux de damier (la charpente du lavoir Bonnethin, reflets d’eau « par en-dessous ») dès que je pénètre dans le parc interdit du château. Peut-être la bâtisse cachée est-elle un vaste hôtel du Faubourg Saint-Germain, transformé par mon goût de la fiction en la plus excitante annexe d’un grand ministère ou en un pavillon de chasse qui ébauchait le grand Institut des Statistiques, sorte de Machine mathématique et sociologique à odeur de girolle.
Mes livres n’ont cessé de reprendre un lavoir en bois, le bistrot à billard dans la pénombre du grand soleil de la route, bien d’autres morceaux, ce qu’affirma ma posture face à Paul quitté par un arrêt : mes semelles ressentent les pavés de la cour auquel je signifie que le centre de mon livre est mon esthétique ; aujourd’hui, alors que les feuilles et rameaux épais s’entrouvrent devant le squelette mis à nu du monument qu’on restaure, comme s’il était en construction pour Madame d’Estrées, je regrette que mon bafouillement ait sorti « rigueur », il fallait « RADICALISATION ». En moi ce mot fait image : des lignes perspectives traversent l’espace depuis la profondeur de la terre et depuis le ciel, droites et obliques, clamant l’actualité du Quattrocento.
… et donc du Japon. Paul, me raconte-t-il, fait le tour du Pavillon d’or à Kyôto. Plantée dans l’étang près du bord, une pancarte écrite sans traduction anglaise dans le seul japonais l’intrigue. Il revient à cette place, alors que les autres touristes sont évacués, et tandis que le soleil perce entre deux nuages mouvants : la pancarte signale une pierre sur le relief complexe de laquelle un ruisselet projette un réseau de reflets d’eau et de soleil avant de se dissoudre dans l’étang.
Les parcelles d’une rivière, un réseau (graphe) d’enchantements.
De là : mon premier réveil avec a.m.b. me flanquant, impression de chaleur torride, est pensable : le blanc, l’eau, à nouveau prendre la jeune femme. « Se réveiller avec la vie. » [en mai 1958] [a.m.b. = A.M. jeune fille]
Pénétrer dans un village par ses jardins, par son cimetière abandonné ou fleuri fleuri d’arceaux rouillés, ce village ordinaire est nouveau. S’opposant en miroir à la réminiscence, il est le lieu de notre mort, qu’elle-même nous reconnaissons comme un souvenir de notre race. Il est aussi le berceau de notre amour.
Je n’ai pas ressenti cela l’après-midi où l’on m’incarcéra dans la forteresse sanatoriale, mais peut-être à Grenoble dans la brèche de l’hôtel Grenette, aujourd’hui je vois un coup de vent dans l’oblique du pas d’A.M. sur le trottoir qui monte depuis l’avenue Foch où j’observe que la marche, négation de la négation, munit d’un oblique l’humain en mouvement. (Une barre oblique me « poursuit » depuis 30 ans.) (… une esthétique comme une dialectique.)
Mes études ont une logique dictée par le hasard nécessaire des jours et des sensations.
Mes livres épandent une sensibilité femme. Ils sont écrits par le corps...
Dossier
Hubert Lucot
RADICALISATION, le Village-Miroir (inédit)
juillet 2003 | Le Matricule des Anges n°45