Ici, pas d’histoire littéraire académique avec les classiques définitions exhaustives des contenus et acteurs de l’ismisme. Du surréalisme des manuels, il sera finalement peu question. D’analyses audacieuses en rapprochements fructueux, avec une méthode et dans un style aussi intéressants que son objet, Anne Larue flâne intelligemment dans ses thèmes, le machinisme, l’amour courtois, mai 68…, fusionne les références, aboute Breton, Carrouges et Deleuze, connecte Duchamp le bricoleur intellectuel avec Marinetti et les machines de la vitesse jusqu’à Virilio et Sloterdijk, et décrit, finaude, les surréalistes comme une troupe de célibataires tournant autour de la mariée de leur homosexualité de troubadours modernes, prompts à jeter la femme en gardant l’eau de l’amour.
« Non seulement le surréalisme jette les vieilles gloires au bas de leur piédestal pour élaborer une culture de rechange, mais encore il défroisse les plis rhétoriques que la pensée a pris au cours des siècles : il jette à bas la logique issue de la scolastique, pour prôner la juxtaposition, la rencontre, le choc, le collage. » Anne Larue fait de même en privilégiant pour alimenter ses chapitres touffus les dispositifs de l’anti-Œdipe et de Mille Plateaux, en opposant la Révolution qui ne veut rien aux gros systèmes totalitaires. Au final c’est de l’essai de grande classe, dans une édition dont on regrette quelques évitables coquilles.
Le Surréalisme de Duchamp
à Deleuze
Anne Larue
Éditions Talus d’approche
(M. Bourdain BP 36 B-7060 Soignies)
223 pages, 15,50 €
Essais Machines surréalistes
janvier 2004 | Le Matricule des Anges n°49
| par
Ludovic Bablon
Un livre
Machines surréalistes
Par
Ludovic Bablon
Le Matricule des Anges n°49
, janvier 2004.