La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine français Pacifique blues

mars 2004 | Le Matricule des Anges n°51 | par Richard Blin

Quand voyager rime avec rendez-vous manqués et retour à soi. Un livre d’humeurs et de détours de François-Olivier Rousseau.

Grand Hôtel du Pacifique

Ni pèlerin ni aventurier mais réfractaire à l’homogénéisation du monde comme à l’indifférencié, François-Olivier Rousseau aime le paradoxe et la contradiction. Voyageur en quête des dernières singularités, il n’est pas de ces touristes cultivant l’émerveillement à tout-va. Du dépaysement, de l’évasion, de l’exotisme, il a épuisé le pittoresque. Et des voyages, qui furent le grand souci de sa jeunesse, il confie qu’ils n’auront jamais été l’occasion d’éblouissements notables mais bien plutôt une inépuisable source de connaissance de soi.
Grand Hôtel du Pacifique est donc un livre d’humeurs, de digressions et de détours, qui nous parle de son auteur et de l’évanouissement d’un monde qui ne tenait sa puissance d’enchantement que de l’énigme qu’il était. On va donc des mines d’opales d’Australie à la Malaisie, en passant par la Nouvelle-Zélande et ces légendaires îles du Pacifique Sud, où « l’écrasante prédominance du liquide sur le sec, du mouvant sur le stable, dilue les consciences et vaporise les énergies ». On croit y trouver le soleil, et c’est la pluie qui est la norme. On y est attiré par « la douceur d’être au monde « , » l’attirail des joies oubliées du bon sauvage », et on n’y trouve que l’avachissement et l’alcool. Quant aux plus jeunes, « les garçons ont les joues creuses et sont filiformes, les filles s’épanouissent vers le bas, en abat-jour et s’affligent déjà d’un double menton. Plus tard, le contraste s’estompe. Tout le monde engraisse et les hommes rattrapent les femmes ». Et celles des îles qui ont tant pu faire rêver ? Elles ne sont qu’ « une cuillerée d’épinards jetée dans la soupe bleue du Pacifique »… Il y aurait de quoi se lamenter, mais si l’on y songe bien, ces déceptions ne sont, au fond, qu’à l’image de « cette escroquerie radicale qu’est l’existence ». D’ailleurs, des illusions, l’auteur n’en a plus guère, qui les compare à la couche de graisse permettant à l’ours polaire de survivre.
Pratiquant un esprit de dérision qu’il s’applique d’abord à lui-même, F.-O. Rousseau s’affiche tel qu’il est anticonsensuel, vindicatif, immature, nostalgique. L’homme des musées et des bibliothèques, qu’il fut, fréquente aujourd’hui les échoppes des fripiers, en avouant y éprouver « des joies simples, dans la satisfaction d’une coquetterie assez fruste ». Autoportrait éclaté, ce livre est aussi un voyage dans le temps, dans cet « autre ailleurs qu’est le passé ». Souvenirs, rencontres, plaisirs, F.-O. Rousseau revient aussi sur ce qui aura été la grande affaire de sa vie : l’écriture. Revendiquant désormais le pur plaisir, il écrit avec une liberté de ton absolument réjouissante. Évoquant, par exemple, la Callas, à côté de qui il a été assis trois heures, dans un avion, sans la reconnaître, il écrit. « C’était une fausse rousse au teint mat, dont de sombres lunettes de soleil escamotaient en partie le visage. J’avais encore noté qu’un buste étroit et une taille cintrée contrastaient chez elle avec cette partie du corps dont aucune procédure d’affamement ne saurait amender la disposition congénitale : un gros cul. Elle s’exprimait en grec avec une voix désagréable (mais le moyen d’être mélodieux dans une langue aux sonorités repoussantes ?) ».
Tout est ainsi, direct et sans concessions, ce qui est le moins pour un homme qui reconnaît voyager au bout du monde parce que c’est peut-être le dernier endroit « où il est permis de cultiver l’incongrue fierté de ses échecs sociaux et littéraires, d’exhiber avec complaisance ses petites vilenies, ses ressentiments, ses amertumes, ou encore ses hasardeuses rencontres ». Un livre qui nous confirme dans l’idée que le voyage ne (re)conduit qu’à soi, mais un livre aussi, qui sent la vie, à la manière dont certains vêtements demeurent à jamais imprégnés d’odeurs.

Grand hôtel du Pacifique
François-Olivier Rousseau
Éditions du Rocher
180 pages, 14,90

Pacifique blues Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°51 , mars 2004.