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> Patrick Beurard-Valdoye
Cette poésie, que je voudrais nommer arts poétiques, au sens d’une poésie élargie, et particulièrement élargie à ce que les doctes reconnaissent mal, comme œuvrant prosodiquement ; qui s’intitulerait arts poétiques des suites de l’incontournable pluriel ; enfin, de prime abord, qui soulignerait implicitement son statut, rendant stupéfait jusqu’au pied le dernier des poétophobes, coi : un art.
La poésie serait une cellule blanchâtre équipée d’une paillasse, d’un lavabo et d’une chaise, d’une table-écritoire et d’une fenêtre à barreaux. Au mur près de la fenêtre serait accrochée une photo noir et blanc d’une jeune femme endimanchée.
Celui derrière les grilles serait le poète. Les mots qu’il porte atteindraient avec difficulté le dehors. Ils seraient comme des plans d’évasion que traduirait mal l’extérieur inquiet.
La fugue est inachevée. Mais il faut avoir fréquenté la cellule pour mesurer la prison du dehors. Et saisir que ce qui s’y écrit toujours en préventive pourrait être condamné à son tour au silence. Les arts poétiques en état de veille seraient du coup la mémoire insomniaque des pages blanches de l’histoire. Voilà, la poésie en son lieu d’appartenance comme en son dispositif que je tente de pratiquer.
Dernier livre paru : La Fugue inachevée (Al Dante)
> jean-yves masson
Si je dis que je m’efforce d’écrire une poésie telle que je veux la lire, ce qui me semble la réponse la plus honnête que je puisse faire, il est à craindre que je sois, dans notre époque de puritanisme intellectuel, soupçonnable de narcissisme.(…) J’aurais accompli ma tâche si mes poèmes pouvaient entretenir chez ceux qui les liront quelque chose comme la flamme d’une confiance retrouvée. Dans le poème que j’écris, j’essaie de faire une place au lecteur : qu’il entre, qu’il s’asseye à la table, qu’il ait envie de revenir. Je parle à quelqu’un. J’essaie de faire de mon poème une offrande, un adieu, une adresse. C’est ce qui explique sans doute que je ne puisse pas renoncer à une certaine oralité. J’espère que qui me lira reconnaîtra, dans mes vers, une voix. Qu’il trouvera là comme une semence de joie destinée à germer dans son cœur.
Pour qu’ait un sens cette espérance, il faut, c’est vrai, une certaine confiance dans le pouvoir des mots. J’ai traversé pour écrire les poèmes que j’écris aujourd’hui un tel doute quant à la possibilité même de parler que j’en devenais physiquement aphone. Bien des doutes à la mode me semblent maintenant puérils et cabotins. J’ai pu écrire un poème digne de ce nom le jour où j’ai compris (ou décidé ?) que la poésie n’était pas un absolu, mais qu’elle était comparable à ce que les Grecs nommaient un démon un intermédiaire. Le poème fait la navette entre terre et ciel, entre âme et corps, entre idée et matière sonore. Il est à notre image, entre la pesanteur et la grâce. C’est ainsi seulement qu’il peut nous aider à vivre, et donc à mourir. JbrJ...