Il fut le peintre de la couleur et de la douleur. L’artiste de la « vérité criante », selon Michel Leiris. « Mes tableaux sont des accidents », soutenait Francis Bacon (1909-1992). À l’automne 1971, Pierre Charras fut la victime, fortuite mais comblée, de ce choc pictural. Le carambolage eut lieu dans les allées d’une exposition vertigineuse au Grand Palais, à Paris. L’écrivain, auteur de Dix-neuf secondes (Mercure de France, 2003), n’est pas sorti indemne de cette collusion. « La décharge que nous avons reçue n’en finit pas de nous secouer ». Trente ans plus tard, Pierre Charras dresse un rapport circonstancié de cet éblouissement terrifiant dans Le Ring de la douleur, une « radiographie de la stupeur » qui emprunte son chaos et ses fulgurances à la peinture de Bacon ce livre et des entretiens accordés par Bacon à Michel Archimbaud ont inspiré à Pierre Charras une pièce de théâtre, Figure, mise en scène par Lukas Hemleb. C’est à Beaubourg, aujourd’hui, que son personnage, Francis, éprouve la force du « grand nuancier de la douleur », où le rouge du sang de boucherie prédomine, jusqu’à la nausée. Et parce que la peinture est un rappel à soi, les couleurs de Bacon réveillent les douleurs de Francis. Entre autobiographie et fiction (une « fiction admirative » précise l’auteur), ce récit cinglant et sanglant enchaîne des saynètes qui ont la puissance des uppercuts. L’écriture a les élans d’un foudroiement. On quitte ce livre étourdi, mais heureux.
Francis Bacon, le ring de la douleur
de Pierre Charras
Le Dilettante, 96 pages, 11,50 €
Domaine français Peinture au couteau
mars 2004 | Le Matricule des Anges n°51
| par
Pascal Paillardet
Un livre
Peinture au couteau
Par
Pascal Paillardet
Le Matricule des Anges n°51
, mars 2004.