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Arts et lettres Algérie et pleure

avril 2004 | Le Matricule des Anges n°52 | par Jean Laurenti

Dans un livre qui fait la part belle à l’image, Leïla Sebbar s’efforce de dire une histoire à la fois singulière et collective, tissée de fils tendus au-dessus de la Méditerranée entre la France et l’Algérie.

Mes Algéries en France

Rassembler les fragments épars d’une mémoire collective hantée par la douleur : ce beau livre de Leïla Sebbar questionne au plus près l’expérience du déracinement, s’approche avec pudeur et gravité de ceux qui, comme elle, sont à la fois ici et là-bas, dans le souvenir d’une lumière voilée par les larmes, le manque et, souvent, le deuil. Cet ouvrage qui associe étroitement l’image au texte permet d’entrevoir l’ombre portée de l’Histoire sur des itinéraires singuliers. Leïla Sebbar, romancière, essayiste et journaliste, est la fille d’une Française et d’un Algérien, deux instituteurs qui se sont rencontrés en France, puis sont partis vivre de l’autre côté de la Méditerranée. Depuis de nombreuses années elle interroge cette appartenance à deux pays, deux cultures, la fêlure causée par le départ définitif d’Algérie en 1968 et le refus de son père de revenir sur un passé qui la taraude. Elle a récemment publié un récit intitulé  : Je ne parle pas la langue de mon père (Julliard).
Pour faire surgir cette mémoire, pour l’incarner, Leïla Sebbar a donc composé un livre en forme de mosaïque. Écoles, portraits de femmes, vieillards fatigués, figures tutélaires, objets du quotidien sont portés par la simplicité limpide des témoignages, les photographies (notamment celles, superbes, de Jacques Guerry et Marc Garanger), les déambulations, les images anciennes…
On croise ainsi la route de nombreux personnages, des plus célèbres aux plus humbles. Évocation poignante de Mouloud Feraoun, condisciple du père de Leïla Sebbar à l’École Normale d’Alger-Bouzaréa, l’auteur du Fils du pauvre, de La Terre et le sang, qui sera assassiné par l’OAS ; de Mohamed Dib, l’enfant de Tlemcen, l’ami de la famille Sebbar, qui a quitté sa maison et sa langue pour bâtir ailleurs son œuvre littéraire : « Les fils qui sont partis, les fils qui ont abandonné les femmes à la maison natale, ces fils seraient morts de mélancolie s’ils n’avaient eu la certitude que les femmes vivent. (…) C’est pour elles qu’ils écrivent des livres qu’elles ne liront jamais. » À ceux-là, Leïla Sebbar dit sa dette : « Je suis la fille de ces fils qui écrivent des livres si loin de la maison qu’ils ont quittée pour n’y plus revenir et, parce qu’ils sont partis, parce qu’ils ont subi l’épreuve du passage pour tous les autres, nous écrivons, j’écris. »
Parfois le lecteur éprouve une pointe de frustration : une figure s’esquisse à peine que déjà il faut la quitter, passer à une autre à qui, par un fil des plus ténus, elle est reliée. Dans un beau chapitre, on découvre le témoignage de Marthe Stora, venue en 1962 de Constantine à Sartrouville : « C’était la valise ou le cercueil. Une valise, vingt kilos de bagages, un avion militaire… On a tout laissé. » Et puis l’HLM, le travail en usine, la réussite des enfants, Annie et Benjamin, l’historien. « J’ai travaillé très dur. C’est comme ça qu’on a pu s’installer. » Marthe arrête de travailler en 1979. Son mari meurt en 1985. « J’ai été heureuse de 1979 à 1985. »
On croise aussi le destin de Maurice Audin, ce jeune professeur de mathématiques assassiné par les militaires français. Ou plutôt on l’entrevoit dans le regard et dans la voix de Josette, sa veuve au deuil impossible, qui n’a pas cessé ses cours au lycée d’Alger. Leïla Sebbar est une de ses élèves, elle regarde « la femme aux yeux tristes ». Quarante ans plus tard, elle la retrouve en France, toujours ferme et calme dans son combat.
Et puis des visages anonymes, ceux d’hommes âgés, immobiles sur un banc, le pas d’une porte, devant un café. De vieux Algériens, des retraités dont la famille est retournée au pays. Eux n’ont rien construit, ni au pays, ni sur cette terre d’exil. On s’attarde un instant auprès de ces « chibanis », ces assis qui n’ont pas fait le pèlerinage à La Mecque, qui ne le feront pas. Ces hommes désormais sans désir, sinon celui de « la paix avec Dieu, avec Allah, la paix, parce que la mort c’est bientôt. »

Mes Algéries en France
Leïla Sebbar
Préface de Michelle Perrot
Bleu autour
255 pages, 28

Algérie et pleure Par Jean Laurenti
Le Matricule des Anges n°52 , avril 2004.
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