Pip, un jeune coq, n’a que trois mois mais sans doute son expérience est-elle suffisante pour qu’il « pense à sa condition de poule » avec « lucidité » et « force ». Il interroge autour de lui « Byron le cheval, Carême l’âne, Panique le bélier » et surtout « le Commandant », coq encore dominateur mais qui pressent la fin de son règne. Enfin sa décision est prise : il faut tenter la liberté et, pour y parvenir, « s’associer ». Un petit groupe s’enfuira donc, beaucoup mourront en route, certains trahiront ; les survivants dont Pip verront, après avoir contemplé avec désespoir un conflit qui embrase la terre entière, l’aube d’un monde nouveau.
Ludovic Massé (1900-1982) a longtemps travaillé ce texte, conçu en 1939, repris jusque dans les années 50, heureusement et courageusement redécouvert aujourd’hui. Il s’agit d’un « conte parabolique » mais nous sommes plus près de l’ambiguïté et du classicisme enchanteur de La Fontaine, ou de l’ironique cruauté de Marcel Aymé, que de la morale un peu courte et naïve du Petit Prince. On sourit des discours révolutionnaires du Commandant appelant à la « facile révolution des champs », on admire la fuite des bêtes « blanches, poudrées de lumière, et glorieuses » dans le clair de lune, ou le bouc retrouvant « son passé de dieu vivant ». Quant à la liberté, peu importe qu’elle demeure hors d’atteinte : Pip « entrevoit la liberté à chaque tournant, sur chaque sommet (…). Lorsque le mirage s’évanouit, il espère dans son prochain. »
Pip et la liberté
Ludovic Massé
Éditions Pierre Mainard
(12, rue Saint-Laurent
33000 Bordeaux)
86 pages, 13 €
Histoire littéraire La belle échappée
avril 2004 | Le Matricule des Anges n°52
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