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Domaine français Les morts et les choses

mai 2004 | Le Matricule des Anges n°53 | par Jean Laurenti

Lydia Flem aborde de façon singulière le travail de deuil, centré sur la circulation de ce qu’elle nomme les objets orphelins.

Comment j’ai vidé la maison de mes parents

Le titre du livre de Lydia Flem connote ce qu’il faut de désinvolture pour atténuer la gravité du sujet abordé. La première partie de l’ouvrage s’apparente à un court essai, une tentative pour penser ce qui ne peut véritablement l’être avant d’avoir été vécu : la perte de ses parents et le bouleversement qu’elle introduit dans l’existence des « orphelins », quand « il n’y a plus personne derrière nous. Seulement, une double absence comme un terrible froid dans le dos. » C’est justement dans ce moment douloureux qu’il faut faire preuve d’un sens pratique dont le coût affectif redouble l’accablement : que faire de ce qui appartenait aux disparus ? « Comment se peut-il, se demande Lydia Flem, que l’héritage nous autorise en un instant radical à nous saisir de ce qui n’était pas à nous quelques heures plus tôt, à en obtenir la plus totale jouissance (…) ? » L’auteur questionne ainsi la légitimité d’une institution qui, « à l’inverse du legs, ne suppose aucun désir, ne traduit aucune intention à notre égard. » Et le travail de deuil débute ainsi par une opération d’inventaire qui permettra de « vider » la maison. Et au fond de solder en une série de gestes forcément arbitraires (« trier, évaluer, classer, ordonner, emballer, mais aussi choisir, donner, jeter, vendre, garder ») l’existence de ceux qui nous ont donné la vie. Vider. Par sa trivialité révoltante, le terme jette une lumière crue sur l’épreuve à venir.
Plus longue, la deuxième partie du livre relate l’expérience personnelle de l’auteur. Fille unique, elle perd sa mère deux ans après la mort de son père. La voici seule dans la maison silencieuse, face à la multitude des objets. La voici devant les tiroirs, les armoires, les commodes qu’il faut ouvrir. Un monde que justement ils n’ont jamais qu’entrouvert à leur fille qu’ils voulaient préserver de leur passé : tous deux étaient juifs, d’origine allemande et russe, ils ont connu la déportation, leurs familles ont été exterminées. « Ils n’avaient pu se détacher de rien, rien jeter, parce que leur jeunesse avait été brisée par trop d’exils et de disparitions. » Dans une « toute petite mallette de cuir patinée par le temps » elle trouve « des liasses de lettres » adressées en 1938 à son père alors adolescent par sa mère, tuée quatre ans plus tard les nazis. Au fil de sa collecte, elle reconstitue le puzzle de cette famille détruite, comprend mieux les silences, les angoisses, les maux dont souffraient ses parents, expressions de la plainte qu’ils voulaient étouffer. « Leurs langues étaient demeurées muettes, leurs papiers devenaient loquaces. » Une photographie de son père prise dans le camp de travail, un livre nazi ramassé dans le train du retour, des croix et médailles de Combattant de la Résistance décernées à sa mère. Cette mère qu’enfant elle n’osait affronter : « Comment me fâcher, me récolter contre une héroïne (…) sans me sentir jetée dans le camp des oppresseurs, des bourreaux ? » Cette « maman coquette et militaire » douée de ses mains, qui aimait les belles robes, choisissait les patrons, les tissus, cousait avec une grande habileté, au point de s’être constitué une « exceptionnelle garde-robe ». En offrant ces vêtements à une amie, sa fille leur donne « une nouvelle vie », et réalise qu’ « une robe ne meurt pas. »
Au long de son entreprise le découragement, l’abattement la guettent. La tâche est immense, presque inépuisable. Sur des pages entières se déroule l’inventaire des « objets orphelins » à qui il faut trouver le propriétaire qui prendra soin d’eux, puisque après tout « les choses ne sont pas très différentes des personnes ou des animaux. »
Parmi ce fatras, quelques morceaux de chandelle que Lydia Flem emporte chez elle : elle les allume et les regarde se consumer lentement. C’est l’image qu’on retiendra de ce livre.

Comment j’ai vidé la maison de mes parents
Lydia Flem
Le Seuil, 152 pages, 13

Les morts et les choses Par Jean Laurenti
Le Matricule des Anges n°53 , mai 2004.
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