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Domaine étranger Facture sociale

mai 2004 | Le Matricule des Anges n°53 | par Pascal Paillardet

Dans un roman ahurissant, B.S. Johnson raconte les fantaisies insurrectionnelles d’un comptable de l’existence.

Christie Marly règle ses comptes

Le système « dit de la Partie Double » réveille, dans son énoncé, le souvenir de ces après-midi épuisants, sacrifiés au labour de parcelles de terre battue ou de gazon pelé. La partie en double était une manière confortable de réduire de moitié la surface à besogner ; en somme une pratique comptable. Les raquettes aux cordes aphones somnolent à présent dans les greniers, et les tennismen de naguère vieillissent en se réchauffant les artères à la pétanque. Pire encore : ils apprennent que le système « dit de la Partie Double », qui légiféra leurs réjouissances sportives, n’est d’aucun secours pour les joueurs courbaturés : il fut inventé par des marchands florentins au XVe siècle. Codifiée par le bénédictin Fra Luca Bartolomeo dans un traité édité en 1494, « Suma de Arithmetica Geometria Proportioni et Proportionalità » (Balles neuves !…), la « Partie Double » est un délassement de facturier. L’esprit civil accède difficilement aux sinuosités de cette technique de comptabilité, adoptée pourtant par le personnage de B.S. Johnson, Christie Malry, pour charpenter son existence.
Modeste employé de banque (« La voie la plus bénéfique serait, en toute probabilité, de se tenir près de l’argent, ou tout du moins, non loin de ceux qui le produisaient »), puis comptable dans une fabrique de bonbons et de gâteaux, Christie décide de recourir à ce principe d’économie pour équilibrer sa vie : il note scrupuleusement les préjudices subis (Débit) et les compensations perçues (Crédit). Au fil des jours, ce trésorier du quotidien administre sournoisement son compte : l’envoi de lettres anonymes le rémunère de son exploitation salariale, des carnages (« Mort de 20 479 innocents Crédit : 26 622 ») le dédommagent de la perte de ses illusions (« Aucune chance offerte au socialisme Débit : 311 398 »)… Féroce et caustique, le roman Christie Malry règle ses comptes, édité en 1973 en Angleterre, livre en quelque sorte les reçus de ce règlement de comptes avec la société capitaliste. Ultime ouvrage paru du vivant de l’écrivain anglais Bryan Stanley Jonhson, qui se suicida le 13 novembre 1973, dix ans après la publication de son premier roman (Travelling People, 1963), ce récit dévaste les formes romanesques traditionnelles. Dans une alternance de chapitres (« Chapitre raté », « En Aucun Cas Le Chapitre Le Plus Long de ce Roman », etc.), il se veut un défi à la fiction normalisée. Admirateur de Joyce, Sterne et Beckett, B.S. Johnson harcèle ses personnages, les prévenant d’emblée de leur caractère factice, illusoire : « Christie, l’avertissais-je, il me paraît impossible de poursuivre ce roman. J’en suis désolé. Ne soyez pas désolé, dit Christie gentiment, ne soyez pas désolé. Nous n’en sommes point à confondre quantité et qualité, n’est-ce pas ? » Persuadé de la défaite des procédés de narration hérités du XIXe siècle, dérivant d’une approche « anachronique, illégitime, déplacée et absurde », B.S. Johnson, l’auteur de R.A.S Infirmière-Chef, une comédie gériatrique (Quidam éditeur, 2003), use des contre-pieds et des amortis. Il s’autorisa dans The Unfortunates (1969) à découper son récit en vingt-sept cahiers non-numérotés, destinés à être lus dans n’importe quel ordre, ou à agrémenter de trous les pages de Albert Angelo (1964) afin d’aider le lecteur à parvenir plus rapidement à la suite du récit !
Romancier indiscipliné, B.S. Johnson ressemble à ces joueurs de tennis, à l’étroit sur les courts, qui déplaceraient les lignes à leur convenance. Sa littérature est un échange de balles.

Christie Malry
règle ses comptes

B.S. Johnson
Traduit de l’anglais
par Françoise Marel
Quidam éditeur
200 pages, 18

Facture sociale Par Pascal Paillardet
Le Matricule des Anges n°53 , mai 2004.
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