Première séquence-livre d’un projet d’écriture plus vaste, L’Amant de Sophie tient de ces caresses qui renferment l’amour plus que toute parole. Tout en tangences et en géométrie oblique, il traque des instants d’équilibre précaire, dégage quelques figures lumineuses, recueille des moments nus. Un premier livre qui, à l’image de toute ascèse véritable, ouvre un chemin, propose une approche différente de la théâtralité du désir comme de l’amour mêlé de la langue et de la beauté. Une sorte de poétique du coup du foudre qui ne laisserait que du texte ébloui.
Bien placé pour savoir que l’auteur est d’abord un lecteur, Benoît Casas qui est éditeur et libraire, en a tiré une approche très personnalisée de l’écriture. Commençant par mettre bout à bout l’ensemble des citations qu’il a prélevées durant une année de lecture, ici l’année 1997, il procède à l’inversion du processus classique de l’écriture. Plutôt que de noircir une feuille blanche, il part donc d’un bloc de texte qu’il blanchit. Il n’efface pas les éléments qu’il souhaite soustraire, il les passe en typographie blanche, si bien que les blancs qui apparaissent sont du texte ébloui et non pas de simples espaces vides. Démarche d’éblouissement du texte qui révèle, crée l’événement, donne corps à des rencontres. Une façon d’être au cœur de la « donne », pour parler comme au jeu de cartes. Une manière d’inventer un au-delà des apparences, de rendre manifestes des effets de connivence et des modes d’appréhension du vécu tout en jouant des allégeances et des échanges, du surgissement et des points de fuite. « UNE femme/ sa floralité/ les lignes/ de ses/ actes/ brodé/ s/ de silence. » Difficile de citer. Il faut voir. Ce sont séquences suspendues, foyers qui fixent tantôt une sensation, tantôt la couleur d’un désir ou celle d’un temps au ralenti. Il y a là comme les figures d’une danse qui unirait dans le même geste la voix et le voir.
L’Amant de Sophie de Benoît Casas
Prétexte Editeur, 105 pages, 11e
Poésie Grâce errante
juillet 2004 | Le Matricule des Anges n°55
Grâce errante
Le Matricule des Anges n°55
, juillet 2004.