Dominique Périchon a beau relater l’histoire d’une croisière, ce n’est pas au rayon des écrivains voyageurs qu’on le rangera. Le héros (fatigué) de Motus est un ventriloque assez médiocre. Les blagues qui essaiment le roman nous incitent à le penser, ainsi que ses aveux : « J’ai animé des matinées enfantines : les enfants regardaient mes chaussettes (…). Et dans les hôpitaux ils préféraient la télévision, c’est plus vivant… » Il vient d’être embauché pour égayer quelques vieillards lors d’une croisière à bord de « La Belle » sur la Méditerranée. Il cohabitera donc avec la gent édentée et grisonnante, les marins impeccables et ses acolytes : un magicien (fatigué), un organiste (alcoolique), une chanteuse (bien roulée) et un imitateur (transparent). Il embarque avec sa marionnette dont le nom dit assez l’estime qu’il lui porte : « monsieur Machin ». Après que le paquebot a « divorcé froidement de ses amarres », notre naufragé de la vie sera en bateau plus proche de la prison que de l’évasion (deux belles à bord n’y pourront rien). On n’est pas sûr de pouvoir écrire trois lignes sur ce qui advient tant rien ne se passe dans ce roman, sinon le roman lui-même. Pour autant, le voyage est plaisant car Dominique Périchon écrit en jazz. Ses phrases ont le déhanchement souple des filles serpentines et légères. C’est drôlement chaloupé, avec juste ce qu’il faut d’humour pour battre le nihilisme en brèche. Les phrases sont travaillées en rythme et en contrepoints pour offrir leur vision décalée de l’humanité (entre écueils et épaves). Et comme on sourit plus d’une fois, c’est finalement au rayon des sympathiques qu’on rangera le livre…
Motus de Dominique Périchon
Le Dilettante, 190 pages, 14,50 €
Domaine français La croisière, ça use
septembre 2004 | Le Matricule des Anges n°56
| par
Thierry Guichard
Un livre
La croisière, ça use
Par
Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°56
, septembre 2004.