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octobre 2004 | Le Matricule des Anges n°57 | par Xavier Person

Le dernier amour sera-t-il le premier ? Le dernier roman de Christian Gailly est-il son premier ?.

Ne vous laissez pas impressionner, cher Christian Gailly, par ceux qui, vaguement réticents, auraient tendance à murmurer que, bon, vos romans, tout de même, c’est toujours un peu mince et surtout toujours un peu la même chose, toujours la même chanson, la même mince histoire d’amour, de jazz, toujours les femmes et toujours lui, l’homme et son désir des femmes inassouvi et la musique, l’impuissance à créer, le désir de musique inassouvi et le roman qui, musical à en pleurer, l’air de rien fait de l’échec sa réussite, trouve dans l’impuissance sa forme hésitante, en ses hésitations, ses impasses, ses phrases qui transforment l’échec en réussite, trouvant là leur énergie, leur rage sourde et leur éclat parfois, leur légèreté, leur drôle d’humour grave.
Continuez, cher Christian Gailly, à écrire toujours un peu le même livre, insistez encore, revenez encore à ce retour, cette reprise, cette obsession de la phrase à revenir, à se reprendre, à avancer sans avancer, à avancer en s’inversant, en revenant sur elle-même, à se prendre les pieds dans son avancée, avec toujours cependant le désir d’avancer, de faire avancer l’histoire même si celle-ci finit toujours par se répéter, même si en fait ça n’avance à rien d’avancer (ça n’avance qu’à avancer et encore…). Dans Dernier amour, Paul Cédrat, votre personnage-compositeur à qui il ne reste que deux jours à vivre se fait huer lors de l’interprétation de son quatuor à cordes, un rien funèbre, « pour ne pas dire sinistre et répétitif jusqu’à l’obsession. » Mais vous n’êtes pas Paul Cédrat, cher Christian Gailly, alors ne cédez pas sur votre désir, n’écoutez pas la colère de la salle, ses « assez », n’écoutez que nos « encore », le « encore » de l’amour qui, comme vous le savez avec Lacan ne demande que l’amour, le demande « encore et encore ». Bien sûr, m’objecterez-vous, Paul finira bien par s’en remettre au futur implacable qu’implique son nom, c’est sûr, il finira par céder à la mort, à la provoquer même (encore que…), il va céder, il est à deux doigts de le faire, quelque chose va finir, c’est le sujet de votre roman. On a interrompu l’exécution d’un requiem. Une vie va s’interrompre et pourtant, le temps infime du roman, elle continue. C’est dans ce roman toute l’émotion du bis (et donc la revanche de Paul Cédrat) : on sait que c’est fini et pourtant ça joue encore, c’est un cadeau, le cadeau d’un peu de temps encore, on dit merci, comme à la fin du livre, on est debout dans la salle, on communie dans la reprise, le « encore », cela dure encore et c’est bon, on connaît par cœur ce morceau, on l’entend pour la millième fois et cela n’a jamais été meilleur, c’est la jouissance de la reprise et c’est là tout le bonheur de votre écriture, c’est presque rien et tout est là, c’est la très belle et très insignifiante histoire du désir que vous nous racontez, de livre en livre, sans rien dire d’autre et c’est ça qui est bon.
À plusieurs moments du roman, votre personnage qui, malade donc, a tant de mal à avancer, à simplement tenir debout, se retrouve assis dans des taxis différents, mais toujours le même lui semble-t-il, une Mercedes toujours, qui lui donne l’étrange sensation d’une « paralysie de l’espace-temps », « le sentiment alors que le taxi roulait déjà de n’être pas sorti du précédent », en une superposition, une vertigineuse fusion de l’espace et du temps. De même, à plusieurs moments du roman, le lecteur aura-t-il la sensation de lire votre précédent roman, de s’y retrouver, en cette avancée immobile, ce retour, cette sensation d’une suspension, d’un surplace. Dans quelque chose dès lors comme un espace et un temps impossibles. Dans l’assomption d’un « encore », son effectivité accomplie. Quelque chose qui fait que, dans la dernière page de Dernier amour, d’une manière assez ahurissante à vrai dire, le mot « joie » peut s’écrire et rayonner jusqu’au merci final. Le merci du personnage à la vie qui dure encore. Le merci du musicien à la salle ? Celui du romancier au roman ? À son lecteur ? Le nôtre. Alors merci (et merci aussi pour la description du mouvement des vagues dans la lumière d’août à la page 59, merci beaucoup vraiment, même si c’est de presque rien, c’est rien vraiment, ça s’en va et ça revient, etc.)

Dernier amour de Christian Gailly, Éditions de Minuit, 122 pages, 12

Encore merci Par Xavier Person
Le Matricule des Anges n°57 , octobre 2004.
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