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Poésie L’or du grand songe

novembre 2004 | Le Matricule des Anges n°58 | par Richard Blin

Les deux essais majeurs d’André Rolland de Renéville sont à nouveau accessibles. Une approche du mystère de la Parole à travers une vision initiatique de l’acte poétique.

Pierre de touche de toute réflexion sur la poésie moderne, l’œuvre et la vie du météore Rimbaud ne cessent de fasciner. Une œuvre fulgurante et brève, neuve absolument, puis le départ et le silence qu’on sait. Une œuvre hantée par la question du Sens (« Ça ne veut pas rien dire » écrit-il à G. Izambard, et « Ça dit ce que ça dit littéralement et dans tous les sens », à sa mère au sujet d’Une saison en Enfer). C’est à la traversée de cet espace embrasé, à l’approche de cet extrême et de cet essentiel que s’attelle Rimbaud le Voyant. Son auteur, André Rolland de Renéville (1903-1962), était le « logicien métaphysique » du Grand Jeu, cette revue (1928-1932) née de la réunion autour de René Daumal et de Roger Gilbert-Leconte d’un groupe de jeunes gens qui, outre leur goût de l’absolu, étaient dressés contre tout et savaient que ce qu’ils cherchaient ne se trouvait pas dans les limites de l’humain.
Lorsqu’il paraît, en 1929, l’essai de Renéville est un énorme pavé dans la mare des études rimbaldiennes. Ni biographie, ni commentaire épidermique, il s’agit d’une approche intérieure et amoureuse de la poésie en tant que puissance primordiale, manifestation des pouvoirs de la parole. Renéville, pour qui le poème est une parole qui advient à partir d’une origine magique, interroge donc l’art visionnaire d’un homme dont l’aventure poétique relève d’une inapaisable soif, de ce désir de « posséder la vérité dans une âme et un corps », de ce voyage vers l’inconnu dont il devine qu’il est le lieu où l’invisible s’est réfugié. S’ordonnant autour d’une minutieuse analyse de la célèbre lettre dite du voyant (adressée à Demeny, le 15 mai 1871 lettre considérée comme l’exposé programmatique d’une méthode de connaissance), l’ouvrage cherche à saisir en sa profondeur quasi géologique ce qui fait le substrat des Poésies, de la Saison et des Illuminations, ce dont ils sont l’écho.
Parce qu’exister n’est pas simplement être, parce que « la conception individualiste du Moi est à la base de l’échec poétique éprouvé depuis deux mille ans par le monde occidental », et parce qu’il n’est d’illumination qu’en rapport avec la connaissance suprême, Renéville cherche à montrer combien cette œuvre relève d’un système de pensée cohérent basé sur une vision initiatique de l’acte poétique. Il s’agit d’abolir la raison, qui « nous cache l’infini », en cultivant la voyance.
Ni fruit de la spontanéité, ni faculté naturelle d’un sujet élu, ni vision littéraire de la vie, la voyance est le résultat d’un travail conscient et systématique qui passe par le « dérèglement de tous les sens » et de « toutes les formes d’amour, de souffrance, de folie ». Pour éveiller en soi « les sens invisibles mais réels » qui permettront de devenir le « suprême Savant », et d’entrer en communion avec « l’Âme universelle ».
Cette « contemplation de l’Absolu à travers la multiplicité du Réel », qui passe aussi par la connaissance de soi (« Je est un autre »), par la nécessité d’ « inspecter l’invisible et (d’)entendre l’inouï », n’est autre que la « révélation poétique », ce brusque éclair par où « s’amorce l’intuition d’une réalité située en deça des limitations de la nôtre », et qui faisait dire à Novalis que la poésie était le réel absolu.
Cette expérience, qui est mise en danger, qui implique la fusion du vivre et de l’écrire, et dont la visée est autant ontologique que poétique (rendre l’homme à son « état primitif de fils du soleil »), est l’objet du maître livre d’A. Rolland de Renéville, L’Expérience poétique ou le feu secret du langage (1938). Livre cardinal qui, revenant à la nature et à la finalité du phénomène poétique originel, tente d’appréhender la poésie comme « approximation désespérée de l’Absolu ». Un livre qui pose l’essentielle question du secret rapport du Silence et de la Parole.
En sept chapitres qui sont autant d’accès au vertige de la création poétique (L’Inspiration ; La Parole ; Les Images ; Le sens de la nuit ; Poètes et Mystiques ; Mythe et Réalité ; Fonction du poète), c’est à une exploration passionnée et partiale de la voie de la voyance qu’il nous convie. Partiale parce que la poésie y est trop présentée comme analogue à « l’antique science de la parole » des initiés de toutes les sagesses traditionnelles de la Grèce et de l’Inde ; mais passionnante du même coup, par la tentative de synthèse qu’elle est, entre voie poétique et voie mystique. Aussi par tout ce qu’elle nous apprend sur les processus de sortie, ou de décentrement, de soi qui permettent d’accéder à ces états de conscience où cessent de prévaloir les catégories de l’espace et du temps.
Il faut être désencombré de tout, avoir dépassé le Bien et le Mal pour espérer entrevoir un peu de la lumière native de l’ancien âge d’or, pour brûler un peu de l’immédiateté aveuglante de ce qui est. Mais ne serait-ce que pour ses lectures de Mallarmé et de Nerval, pour comprendre d’où peuvent venir leurs images de quel autre côté du monde ? de quelle expérience du vide ou du silence ? et ne serait-ce que pour mieux sentir ce qui a pu faire de Rimbaud la « harpe de nerfs » qu’évoque, à son sujet, Roger Gilbert-Leconte, il faut lire, découvrir ces textes d’André Rolland de Renéville, remarquablement édités.

André Rolland
de Renéville
Rimbaud le Voyant
(édition établie
par Patrick Krémer)
320 pages, 24,20
L’Expérience poétique
ou le feu secret
du langage

190 pages, 24,20
Le Grand souffle éditions

L’or du grand songe Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°58 , novembre 2004.
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