Les Éditions Finitude poursuivent leur salutaire travail d’exhumation des textes d’auteurs que notre époque, avide de nouveauté et de clinquant, a tôt fait de remiser dans le fonds ancien des lettres françaises. Après Forton, Perros, Guérin, voici donc Paul Gadenne, écrivain né en 1904 et auteur d’une dizaine d’ouvrages, tels Le Vent noir, La Plage des Scheveningen ou Les Hauts Quartiers, de nouvelles et de nombreuses chroniques. À travers les textes, écrits sur plus de vingt ans, qui composent Une grandeur impossible, on découvre le propos souvent vif d’un moraliste intransigeant sur la question de la responsabilité. À « l’homme d’aujourd’hui », écrit-il dans un discours de 1936, de refuser la « dispersion », « l’âme grégaire qui tend de plus en plus à remplacer en lui son âme singulière et personnelle » ; de refuser « ces distractions toutes faites et cette pensée toute faite », de ne pas « nous laisser asservir ». La plus haute des exigences, Gadenne l’exprime à l’égard de l’écrivain. Chacun de ses textes critiques est porté par elle, tel son regard fraternel sur la correspondance de Dostoïevski, sa sévérité à l’égard de Huis clos de Sartre ou de Molloy, de Beckett dont la noirceur sans perspective, lui apparaît intolérable et d’une certaine façon complaisante. Profonde humanité d’un écrivain qui interpelle Julien Benda, auteur d’un texte sur le « traître Brasillach » : si la faute de l’homme est avérée et doit donc être châtiée, mérite-t-il pour autant ce qualificatif infamant, lui qui, dans son « erreur », « s’était figuré qu’il allait au bout de sa vérité » ?
Une grandeur impossible de Paul Gadenne
Éditions Finitude, 137 pages, 14 €
Histoire littéraire Croire en l’humain
novembre 2004 | Le Matricule des Anges n°58
| par
Jean Laurenti
Un livre
Croire en l’humain
Par
Jean Laurenti
Le Matricule des Anges n°58
, novembre 2004.