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Arts et lettres Un air de danse

janvier 2005 | Le Matricule des Anges n°59 | par Jean Laurenti

La chorégraphie du vivant de Marey vue par deux historiens de l’art. Quand une œuvre scientifique invite à un regard esthétique.

Médecin et physiologiste, Jules-Étienne Marey (1830-1904) a consacré son existence à l’observation et à la représentation toujours plus subtile du mouvement. L’homme de science, professeur au Collège de France, était aussi un inventeur. Pour mener ses recherches, il a sans cesse conçu et développé de nouveaux appareils, utilisé la photographie à partir de 1882 (notamment la « chronophotographie » : prise de nombreux clichés en un temps restreint, de façon à restituer les différentes phases d’un même mouvement) et peut être considéré comme l’un des pionniers du cinématographe, technique auquel il recourt dès 1892.
L’ouvrage que publient les deux historiens d’art accompagne l’exposition consacrée à l’œuvre de Marey au Musée d’Orsay (jusqu’au 16 janvier 2005). Il s’agit essentiellement du travail que le savant a consacré à la fin de sa vie, entre 1899 et 1901, à l’observation de l’air et des fumées. Pour cela, il a mis au point des machines (présentées par Laurent Mannoni) capables de faire jaillir, circuler et divaguer des filets et des volutes dont il a fait un grand nombre de photographies, sur quoi se fonde la très belle étude de Georges Didi-Huberman. L’auteur évite le principal écueil qui pourrait surgir avec une réflexion d’ordre esthétique sur un tel travail : l’annexion par un discours sur l’art d’un travail d’ordre exclusivement scientifique. Car le risque est là : les images de Marey sont belles, souvent fascinantes, et nous invitent à une méditation que nous épargnent nombre d’œuvres authentiquement artistiques d’aujourd’hui. Aussi Didi-Huberman avance-t-il avec la plus grande prudence sur ce terrain piégé : voir dans ces protocoles expérimentaux « des « chevelures », « danses » ou « féminités spectrales » (…) ne serait-il pas leur inventer un supplément fantasmatique » ? Comment donc établir des passerelles, rapprocher ces domaines à ce point éloignés, mettre en mots l’émotion ressentie, lui donner sens et assise ? Georges Didi-Huberman emprunte différentes voies pour resituer le travail de Marey dans une dimension esthétique et philosophique qui se joue des cloisonnements, des classifications. À la fin du dix-neuvième siècle, la science « véritable féerie, tour à tour miraculeuse et inquiétante » laisse encore la place à l’émerveillement, les savants n’ont pas renoncé à être des visionnaires. Le photographe Nadar rappelle qu’à cette époque « Charles Cros rêve le phonographe, Lissajopux nous fait voir le son, Charcot entr’ouvre la mystérieuse porte du monde hyperphysique soupçonné par Messmer, (…) Marey vient de surprendre à l’oiseau le secret de l’aéronautique. »
L’œuvre et la pensée de Bergson sont très souvent cités pour éclairer le travail de Marey. Le savant et le philosophe, qui se sont côtoyés au Collège de France et ailleurs, même s’ils « feignent de s’ignorer » sont habités par les mêmes conceptions : « Comme des tourbillons de poussières soulevés par le temps qui passe, les vivants tournent sur eux-mêmes, suspendus au grand souffle de la vie », écrit Bergson dans L’Évolution créatrice. Ou encore : « l’essentiel de la vie tient dans le mouvement qui la transmet. » Objet de l’observation, le mouvement est aussi avec Marey instrument d’écriture : ailes d’insectes inscrivant leurs mouvements sur le papier, sismographes captant les déplacements, épures graphiques de la marche, traces lumineuses qui dessinent des ellipses dans l’obscurité, mouvements de l’air que le savant s’emploie à rendre observables. Marey et son œuvre scientifique, tout entière vouée à produire une chorégraphie du vivant. « La danse de toute chose » : c’est ainsi que Didi-Huberman intitule son ultime chapitre où l’on croise notamment Mallarmé et ses croquis de Ballets, Man Ray ou encore Valéry, pour qui la danse est « l’acte pur des métamorphoses. »

Mouvements de l’air
Etienne-Jules Marey,
photographe
des fluides

Georges Didi-Huberman
Laurent Mannoni
Gallimard/Réunion
des musées nationaux
361 pages, 29,50

Un air de danse Par Jean Laurenti
Le Matricule des Anges n°59 , janvier 2005.
LMDA papier n°59
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