L’animalité est au cœur de cette première pièce d’Olivia Rosenthal. Mais nous sommes ici dans un théâtre du huis clos. Six personnages (deux couples d’amoureux, Balthazar et Marianne, Roland et Cérès et une famille, Balthazar, sa sœur Alix et leur père Nestor) vivent enfermés, en communauté, dans un lieu mystérieux, en présence de figures. Ils cherchent à tout prix à éviter l’ennui. Une grande fête est donc en préparation, une sorte de carnaval où chacun doit se travestir en animal. La pièce est structurée autour de six disparitions. Chacune de ces disparitions débute par une courte scène où les maîtres des lieux discutent d’attacher ou de détacher un puma, de plus en plus affamé. L’animal, la peur, le danger rôdent. Plus la pièce avance, plus les figures se transforment, oreilles, moustaches, pattes, poils apparaissent. Les Félins m’aiment bien ressemble à un cauchemar irréel, un conte cruel ou un ballet inquiétant. Il s’agit de jouer, jouer au théâtre bien sûr, mais jouer à savoir qui aime qui, comment on peut se dévorer amoureusement, se déchirer, jouer avec la peur, la violence, jouer à essayer toutes sortes de costumes d’emprunts, jouer à changer de sexe, à affronter les deux faces dont nous sommes tous faits… Le désordre s’installe de plus en plus sur cette scène de l’intime, de l’inconscient, du fantasme. Il s’agit pour les personnages de s’affranchir de toutes les conventions sociales, jusqu’à leur anéantissement, sous le regard d’un père impuissant. L’univers d’Olivia Rosenthal reste profondément énigmatique, elle nous perd dans un dédale de pulsions dans cette farce macabre.
Les Félins m’aiment bien d’Olivia Rosenthal
Actes Sud-Papiers, 68 pages, 11,50 €
Théâtre Carnaval sauvage
mars 2005 | Le Matricule des Anges n°61
| par
Laurence Cazaux
Un livre
Carnaval sauvage
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°61
, mars 2005.