J’aime ce qui brille, j’aime les étoiles, j’aime les stars. Un jour, je veux être une star, comme ma mère, comme Maude. » Depuis sa plus tendre enfance, Augusten collectionne les clichés brillants ; il rêve de devenir médecin, plus exactement docteur de téléfilms, ou animateur de talk-shows. Sa chambre est la reproduction artisanale d’une gigantesque boule à facettes, décorée d’éclats de miroir récupérés dans la rue, de tessons de verre multicolore et de pièces de dix cents qu’il passe de longues heures à astiquer devant les feuilletons de l’après-midi. Augusten possède également une chienne, Cream, dont il enveloppe parfois le ventre, les pattes et la queue de papier aluminium, pour qu’elle « brille comme une étoile, comme une invitée du Donnie and Marie Show ». Les matins d’école, une boucle rebelle parmi ses cheveux blonds gominés fonctionne mieux qu’une angine pour sécher les cours. Il voue un véritable culte à sa mère, une poétesse hippie rongée par le tabac et les angoisses cosmiques. Son père, professeur de mathématiques alcoolique et dévoré de psoriasis, est rapidement court-circuité par leur divorce. « Quant à ma mère, elle a commencé à devenir folle. Pas folle dans le sens Et si on repeignait la cuisine en rouge vif ?! Mais folle dans le sens four à gaz, sandwich au dentifrice, je suis Dieu. L’époque où elle allumait des bougies parfumées au citron sur la terrasse sans en manger la cire était révolue. » Si bien qu’elle confie sans tarder son fils à peine adolescent au docteur Finch, son psychiatre attitré, membre de l’Amicale des Pères du Monde, adepte d’une psychologie sur le tas, et dont le bureau possède, en annexe, un authentique masturbatorium. Ici s’ouvre la vie nouvelle d’Augusten, petit garçon conscient déjà de n’être pas tout à fait comme les autres. Dans le vaste capharnaüm de sa nouvelle demeure peuplée d’enfants plus ou moins légitimes et de psychopathes gardés en observation, on grignote des croquettes pour chien devant la télévision, on transfère le salon dans le jardin pour ne plus avoir à faire le ménage, et on occupe comme on peut les après-midi pluvieuses : « On était jeune. On s’ennuyait. Et la vieille machine à électrochocs se trouvait sous les escaliers, dans un carton, juste à côté de l’aspirateur. » Les enfants Finch, élevés dans la foi catholique la plus rigoureuse, lisent l’avenir au hasard des pages de la Bible, mais aussi dans la flottaison de leurs propres étrons dans la cuvette des W.-C. Parmi eux, Augusten grandit en pièce rapportée, un peu vite.
L’Amérique débridée et débordée par sa propre audace que dépeint Burroughs ne ressemble guère à celle que l’on croit connaître aujourd’hui. L’auteur affirme que les familles Finch se comptent sur les doigts d’une main. La sienne, authentique, ne se contentait pas de symboliser la liberté de penser et d’agir, avec caution morale obligatoire la Bible accrochée à ses flancs comme un canot de sauvetage : elle se risquait à la mettre en pratique, jusque dans...
Entretiens La pointe en haut
mars 2005 | Le Matricule des Anges n°61
| par
Camille Decisier
Comment vivre, dans l’Amérique des années 70, entre une mère psychédélique en mal d’amour, et un psy allumé, en guise de tuteur. Le récit, par Augusten Burroughs, d’une construction de soi à coups de ciseaux.
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