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Nouvelles Un tox monétaire

avril 2005 | Le Matricule des Anges n°62 | par Ludovic Bablon

(Il existe une crise des valeurs telle que AAAHHHHH !!!!) > KIDNAPPING D’UN JUNKIE / ÉPISODE 4.

> Résumé de l’épisode précédent :
L’autre fois, dans l’appartement, Marguerite ne laissait pas un moment de répit à la Directrice, pour s’expliquer ; mais le grand air pourrait changer la donne.

Jaillissant du bloc sans attendre les femmes, considérant la voiture morte dans le camion défunt sous la domination d’un arbre pétillant de vigueur, le chien se projette en quelques bonds joyeux vers le tronc de son ami qu’il fête.

 Vraiment, tu as bien fait. Je n’en peux plus moi de ces carcasses qui saoulent mon environnement. La fourrière, je n’en parle même pas, et la mafia russe, il faut nécessairement la craindre.

 Salut Lars. Tu tombes super bien, on allait y aller nous.

 Ah ? Qui ça nous ?

 Nous, les arbres. Personnellement, tu n’as pas de branches ; rien, là où nous avons senti frémir dans les parages l’onde d’un choc encore non identifié ; une ânerie qui franchit le mur du son ; ou un effondrement économique ; en tout cas quelque chose a fait vaciller les fondements du pouvoir jusqu’ici, et tu nous connais : qu’ils baissent leur garde un instant, nous reprendrons tout. Résultat, nous étions tout simplement sur le point de partir à l’assaut de la banque : tu viens ?

Promenade parmi les décombres ; deux femmes en vêtements industriels éprouvent l’immense plaisir de retrouver l’air libre. Un chien et une forêt marchent à leur suite, en route vers les plus formidables victoires politiques. Vous fermez le cortège, et vous êtes conscients de tout ; lucides ; responsables ; attentifs. Et voici ce que vous entendez.

 Hourrah ! De l’azote ! Le ministère de la Justice n’a pas les capacités de stockage pour mettre en examen prolongé ces millions de mètres cubes de possibilité de danse, d’élan, ou d’envol ; franchement, ça fait du bien de le savoir. Maintenant, accrochez-vous solidement aux matériaux, le moment de tout vous dire luit tout autour de nous et ne nous laissera plus nous enfuir. TOP. Figurez-vous qu’à 11h, ce matin, s’est produit un déchirement longitudinal de mon monde. Vous devez vous demander : que faisais-je inanimée devant cette banque où ce chien me trouva, couchée pile à l’endroit où dix minutes avant s’étalait le junkie ? Imaginez maintenant qu’à 11h moins cinq, ce matin, je suis dans mon bureau, en train de manipuler des ressources humaines, quand je sens ma tête envahie par une soudaine baisse d’attention ; ma main délaisse les nouvelles recrues à 6 faces, mon regard s’évade. Mais là, l’atrocité. J’aperçois, de ma fenêtre à l’antépénultième étage, une forme directoriale vertigineuse prise en flagrant délire de fondre sur sa proie comme un vautour au chocolat publicitaire qui se jetterait soudain dans le vide pour imiter la mort de l’onctuosité ; j’entends un atterrissage sourd et aussitôt après, tout en bas de la tour, me frappent le bruit et la vivacité d’une rixe. Je comprends tout de suite. Le Directeur de notre banque est en bas en train de malmener le junkie. Il le frappe ; il le bat. Je me dis « catastrophe pour le gang ! », mon sang commence un 400 m nage libre le long de son bassin hydrographique, au deuxième top je dévale l’ascenseur, il est moins une quand je débouche du hall sur l’esplanade dans le champ visuel du Directeur. Il est là, c’est la première fois que je le vois en vrai, et il est en train de kidnapper ce junkie ! Je tente de m’interposer, j’arme une rame de feuilles emportée dans un éclair de lucidité mais le Directeur est plus rapide et, d’un coup de coupe-papier prévoyant, il m’ouvre le crâne ; 11h pile. Voila un élément du crime qui montre très précisément et sans faire de schémas pourquoi on m’a trouvée gisante l’esprit renversé à équidistance de tous mes os, à la place qu’occupait cinq minutes auparavant le junkie.

 Le Directeur vous aurait assassinée au profit d’un simple junkie ? C’est cher payé ; j’ai du mal à vous croire ; vous mentez certainement. Déjà, est-ce possible que parfois, un individu du monde de l’escroquerie s’introduise dans le monde des transactions justes et légales ?

 Vous savez, il s’en passe de belles, et les rumeurs vont bon train. Il semble qu’il soit entré dans notre établissement à la faveur d’un organigramme trouble. Un jour, l’ancien Directeur avait clamsé dans son bureau, sans doute par enchantement, à cause des sorciers. Une enquête administrative express s’est aperçu une dizaine de mois plus tard qu’un membre de l’espèce canis lupus avait pris sa place, sans se faire remarquer par personne. Bonjour, monsieur le Directeur, disait-on à ce loup pour le saluer quand il arrivait. Son secret pour se faire admettre ? Il portait un T-shirt, intitulé « Bonjour, je suis le Directeur. » Le syndicat du crime légal a dû le démissionner, parce qu’il dévorait trop d’employés sans motif technique la nature dévoyée voyez-vous ; mais savez-vous ce qu’on a appris, le jour de son procès ? Qu’il n’était là que depuis peu de temps, et que depuis la mort du prédécesseur dont le cadavre desséché gisait sur sa chaise tournante, c’est un nid d’araignées qui, s’étant trouvé seul dans le bureau vide, avait assuré l’intérim et, longeant le bras droit du premier directeur mort, prenait de ses n fois huit pattes les appels. Il se passe essentiellement des choses régulières et licites : parmi elles, la domination d’une famille d’araignées communes. Après, quoi de surprenant, si un simple être humain s’empare du pouvoir décisionnaire, par la petite porte ?

 Non ; c’est couchée sur le flanc que j’aime dormir ; par ailleurs je n’ai pas sommeil. Qu’est-ce qui rend un junkie désirable, aux yeux d’un Directeur ? C’est faux.

 Si vous n’avez toujours pas compris, c’est simplement que vous n’êtes pas au fait des évolutions récentes de la pratique bancaire. Avez-vous une idée, par exemple, de qui est notre monnaie actuellement ?

 De quoi ? Qui ça ?

 Récemment, c’était le rat : l’avez-vous su ? Mais l’époque du rat est déjà révolue ; savez-vous qui a succédé au muridé monétaire détrôné ?

 Mais c’est incroyable ! Qui ça ?

 L’homme même que nous devrions déjà être en train de chercher ; l’homme qui a été enlevé ce matin par fourberie ; le junkie !

Oh, non ! L’effroi, la panique et la haine menacent de remplacer notre pays !

La calme agitation d’un maquettiste autour de l’œuvre fait courir aux façades miniatures le risque d’un décollement ; au niveau de la boîte de sirop contre la toux, c’est l’abattement des parois qui domine. La peur, le stress, l’angoisse et l’anxiété étreignent les arbres ; une révolution est-elle opportune ? l’argent a-t-il définitivement disparu ? sauvera-t-on l’otage ? Trois coups de genou dans le carton pour rendre l’idée que tout est sens dessus dessous, et d’une voix synthétique, la DRH reprend :

 C’est cela que je voulais vous dire. Ma fonction de Directrice n’était qu’un camouflage ; j’appartiens à un gang d’artistes conceptuels delilliens qui vient de subvertir la monnaie en la faisant devenir le rat ; nous avons noyauté la hiérarchie pour opérer secrètement ce jeu d’écritures. Il n’y a eu qu’à changer l’unité dans les logiciels de gestion, et à enlever les raticides du coffre, pour commencer à prospérer. Liesse et sexe. Mais vous connaissez la détestable tendance des rats à pulluler… logiquement, un mois plus tard nous avons dû faire face à une fameuse inflation. La planche à rats était devenue folle et tournait dans sa cage, comme une malade. Des rats à ne plus savoir quoi en foutre ! Des millions de milliards de rats ! La crise. Là, chez nous, concert de réunionite à toutes les fréquences. Tous les conceptuels réunis dans mon petit bureau, des stylos bic plein les oreilles, pour étudier ce que ça voulait dire. Chacun a fini par abandonner ses pieds sous les chaises et à errer en peine de stress, sur le blanc des rotules, à la recherche d’une solution aussi fine qu’une aiguille. Sans succès. Lendemain matin, un livreur de pizzas aux anchois nous a fait parvenir un message qui disait « Je peux vous aider. Gratuitement, en échange de l’ensemble des rats », et c’était signé le Céphalopode. Frénésie générale. Avez-vous déjà entendu parler du Céphalopode ?

 Ah ? Qui ça ?

 Le Céphalopode. Un pur esprit, monté sur pattes ; un système d’os, surmonté d’un cerveau comme un anneau d’une gemme. Il s’est manifesté. Nous aussi on n’a appris son existence qu’à ce moment-là ! Mais c’est un bidouilleur économique radical, doté de branchies. On ne le voyait pas ; ce n’était pas quelqu’un du bureau. Il nous contactait par tous les moyens disponibles. Après 4 ou 5 tomes de Prolegomena par satellite, suivirent les Attendus, par fax. Il nous en a fait baver dur en prenant les pires détours pour arriver à une solution qu’il ne laissait jamais deviner. Il y a deux semaines, la conclusion est tombée. A 8h, on a trouvé une enveloppe contenant un mot griffonné à l’imprimante laser. Est-ce qu’on voyait ce junkie toujours couché, raide, devant les distributeurs de la banque, sans y retirer lui-même ? Je fis savoir par post-it qu’en effet, je voyais souvent, en arrivant, ce jeune mendiant en treillis est-allemand, croupissant devant la tour. Eh bien, répondit le mémo, un coffre pouvait être kidnappé par surprise, mais qui irait voler un être humain inutile ? Ce serait aussi bête en effet, répondis-je, que ramasser, sur la route, un pouce, vestige d’un auto-stoppeur de nuit après le passage d’une puissante Mercedes. Un junkie, conclut-il par télépathie, c’est une valeur sûre, un mec stable, en parfait équilibre entre rien et rien. Fini le rat, un consensus s’était créé en faveur du junkie monétaire ; et il devint l’argent. Quelle diabolique idée, de le stocker à l’extérieur ! Imprenable comme une lettre au milieu de la figure ! Copyright Céphalopode, 2005 !

 Mais tu parles ! Une fuite, un kidnapping, et c’est tout l’univers qui se retrouve à la merci d’un maniaque irrationnel ! Art conceptuel ?
Mon Dieu, tout est dévalué. Vous restez calmement à distance devant la forêt revendicatrice, pour observer la situation. Les deux femmes se tiennent devant la haute tour sur le parvis de verre ; elles sont entourées d’arbres militants et d’employés désemparés, dispersés pêle-mêle le long du support de l’invraisemblable. Une petite figurine de chien, peinte, éberluée par les nouvelles, regarde tristement la pauvre Marguerite qui fait un geste paisible pour dire qu’elle a besoin de réfléchir, et vous aussi. Puis c’est l’horreur : le temps d’une longue expiration, les branches frémissent de tout leur long, craquent, tombent, jettent des feuilles, et ce large murmure végétal signifie « Capitalisme, rends-nous le territoire ! » ; tout le carton en tremble.

> Au prochain épisode : « Argent, argent, tu nous manques ! », c’est ce que se diront en substance les petites bêtes le jour du cinquième message fourbe. Économisez votre attention, il en faudra toujours beaucoup.

Un tox monétaire Par Ludovic Bablon
Le Matricule des Anges n°62 , avril 2005.