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Jeunesse Mine de rien

juillet 2005 | Le Matricule des Anges n°65 | par Malika Person

Méfions-nous des apparences ! Si cet album fait la critique de notre société de consommation, sa posture radicale tient au tracé sans arrogance de son dessin.

À sa manière de tenir le crayon, de laisser une trace sur un papier pour Rien, l’illustrateur Eric Dekker pousse à l’extrême la représentation du rien mais qui n’est pas le vide. Il prend ainsi le contre-pied de son acolyte Remy Charlip qui commettait en 2000 aux éditions les Trois Ourses On dirait qu’il neige, promenant le lecteur dans une succession de pages blanches. Avec Rien, les deux Américains convergent dans un dédale d’infinies distinctions aussi subtiles les unes les autres. Prenant le parti d’un texte léger et laconique, qui malgré tout en dit bien long, Remy Charlip laisse à l’illustration toute la place nécessaire à son expression. De cette association symbiotique résulte un album d’une rare qualité où l’économie de moyens sert à la perfection la démarche artistique des auteurs. La ligne claire des dessins en noir et blanc, leur agencement en séquences (qui rappellent la bande dessinée) impulsent le mouvement d’une image animée. Cela tombe à pic puisque le lecteur est invité sur un plateau de télévision, en direct, s’il-vous-plaît, où un face-à-face étrange oppose deux personnages antinomiques. Deux ou trois mots, un décor minimal. On ne voit pas grand-chose, on s’ennuierait presque comme un rat mort si l’annonce d’une publicité ne venait interrompre l’interviewée et l’interviewer peu inspirés et, par la force des choses, piquer la curiosité du lecteur/spectateur auquel est annoncée une publicité de « Rien ».
Rien est bien visible. Rien n’est pas rien puisqu’il est carré ou rectangle contenant le blanc de la page ou le décor en arrière-fond par effet de transparence. Rien n’est donc moins visible que Rien, puisqu’il est aussi ce bloc rectangulaire en trois dimensions que tient le lecteur entre ses mains. Car Rien est bien ce livre au format à l’italienne dont les pages de garde sont immédiatement investies par l’image éjectant la traditionnelle page de titre en page 5. Si Rien n’est jamais vide, Rien est toujours plein. Rien est un rien étonnant. Délimitées dans cet espace à bords francs du livre, les représentations sont mises en abyme ou plus exactement forment une métalepse créant une rupture de ton dans l’album : Eric Dekker représente une émission télévisuelle qui retransmet elle-même une publicité de « Rien ». L’animateur de l’émission devient le spectateur de la publicité dans laquelle il joue. Ce personnage de fiction spectateur et acteur interroge directement la place du lecteur qui pourrait être lui-même fictif (spectateur), à l’instar de ce qu’écrivait Borges dans son article sur le Quichotte, « Magie partielle dans le Quichotte ». Un moment vertigineux, subliminal et inquiétant dans l’album, renforcé par la suggestion d’une répétition infinie de l’histoire.
Cet art de la représentation modifiant notre perception du monde, Eric Dekker la pousse encore un peu plus loin utilisant la contrainte du format à l’italienne à la manière d’un écran 16/9e, panoramique et le livre devient cet objet imprévu fait pour être vu.
Alors Rien est-il une idée ou une chose ? Dans ce que l’on voit, laquelle est la part de ce qui est et de ce que l’on pense ? « Il n’y a rien qu’une bonne peinture sur rien », disait le peintre Mark Rothko.
Rien n’est donc rien d’autre qu’un livre fait pour être lui-même. Et ce qui compte finalement, c’est que le lecteur puisse voir cette évidence : Rien est fondamentalement jamais la même chose selon ce que l’on veut bien se représenter, imaginer et aussi tout à fait unique.

Rien
Remy Charlip
Et Eric Dekker
MeMo
n.p., 16

Mine de rien Par Malika Person
Le Matricule des Anges n°65 , juillet 2005.
LMDA PDF n°65
4,00