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Poches Vers la lutte finale

juillet 2005 | Le Matricule des Anges n°65 | par Thierry Cecille

Villefranche, sur les bords du Rhône, au cœur des années 30, un groupe de communistes dans leurs luttes quotidiennes : un roman existentiel de Paul Nizan.

En 1934, Nizan est invité en URSS : après Moscou, il parcourt le Tadjikistan (voir Lmda N°63) où il commence, à Stalinabad (!), l’écriture du Cheval de Troie. Mais, au retour, il confiera aussi à Sartre son étonnement, voire sa déception : même dans cette Russie soviétique les hommes sont toujours en proie à l’angoisse de la mort. C’est bien avec la constante pensée de la mort que vivent, ou tentent de vivre, les héros et anti-héros de ce roman : l’engagement des communistes comme le cynisme jouisseur des possédants ou la veulerie des bourgeois ne prennent leur sens que rapportés à cette tragédie existentielle qui est notre destin d’être-pour-la-mort. Pour nous tous, « on ne se défend contre la vie qu’en la vivant », la seule différence mais elle est de taille, elle signifie la liberté est que pour les révolutionnaires « on ne peut vivre qu’au sein d’un mouvement qui accuse le monde. L’acceptation égale la mort. »
Voici donc un petit groupe de communistes : Bloyé, professeur, lucide et calme, Albert, usé, marié avec Catherine, femme vieillie, qui mourra lors d’un avortement clandestin et atroce, Paul, poursuivi par la police, Philippe, ancien anarchiste, avec sa culture hétéroclite mais vivante d’autodidacte… Le parti communiste est encore très minoritaire, presque une secte, mais la crise est là, les chômeurs traînent dans les rues ou sont payés « un franc vingt-cinq de l’heure » pour transférer les cadavres d’un cimetière que l’on déplace, un sous-prolétariat d’immigrés arméniens est relégué dans le quartier le plus pouilleux de la ville, dernier cercle de l’enfer prolétarien. Alors que la première partie du roman nous décrit les diverses activités de ce groupe (imprimer LeTréfileur rouge, tenter d’aller convaincre les paysans qu’ils ne sont pas des « partageux » mais des « rassembleurs », peindre sur les murs « Les Soviets partout »), la seconde se concentre sur une après-midi unique, celle d’un dimanche où ils vont devoir affronter, en une contre-manifestation à l’occasion d’une réunion de militants d’extrême droite, les gardes mobiles et perdre l’un des leurs. C’est qu’ils ont, face à eux, des ennemis puissants : préfet et industriels, usines et demeures bourgeoises, mais aussi la ville entière, avec cette fausse paix provinciale, des squares et des ruelles, des murs des couvents ou de la cathédrale, qui n’est que le résultat, les sédiments de siècles d’oppression.
Nizan utilise avec talent des outils éprouvés : paysages-panoramas à la Zola, dialogues efficaces, recours aux métaphores et aux comparaisons judicieuses (la « carapace de pierres taillées des villes », les « jours désagrégés » des chômeurs, les « crimes de rongeurs » que constituent, face à l’ordre bourgeois, les délits de droit commun), don de la sentence. Si l’on peut regretter parfois quelques traits trop appuyés et une certaine emphase (le recours mais Malraux aussi en usait trop fréquent au « destin », aux « actes », à la « nuit »…), on ne peut qu’être emporté par le courage de ces combattants qui pensaient que « tout ce qu’on pouvait faire serait de donner un sens à la souffrance des hommes », et admirer la justesse des portraits.
Mais est-ce paradoxal ou dans la logique de cette vision existentielle que nous avons tenté de présenter ? le portrait qui nous marque le plus est celui de Lange, professeur collègue de Bloyé, en qui Sartre a cru se reconnaître et qui est surtout proche du Roquentin de La Nausée. Ainsi que le dit Pascal Ory dans sa belle préface de parti pris mais convaincante « certains individus sont des solitaires, Lange, lui, est une solitude », solitude désespérée et sans issue d’un être véritablement dostoïevskien, un habitant du « souterrain », en proie à un dégoût métaphysique destructeur, qui ne pourra trouver d’exutoire (on pourrait voir là aussi une figure célinienne) que dans la haine et le meurtre. Nous voilà bien loin, par bonheur, de ce que d’aucuns attendaient alors du « réalisme socialiste » !

Le Cheval de Troie
Paul Nizan
Gallimard, « L’imaginaire »
229 pages, 7,50

Vers la lutte finale Par Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°65 , juillet 2005.