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Poésie Déchirer le silence

juillet 2005 | Le Matricule des Anges n°65 | par Didier Garcia

Le dernier volet des « Œuvres » de Danielle Collobert mêle écrits intimes, poèmes et fragments. Proposition d’itinéraire dans cette vie mise en mots.

Il y a un an, les éditions P.O.L ressortaient Danielle Collobert (1940-1978) d’une ombre dans laquelle elle n’aurait jamais dû séjourner : Œuvres I reprenait les livres qu’elle avait publiés de son vivant dans la mouvance du collectif Change (Meurtre, les deux volumes de Dire, Il donc et Survie). En donnant à lire des textes inédits, des fragments, des poèmes (y compris ceux de Chants des guerres, paru chez Pierre-Jean Osvald en 1961, mais dont Collobert avait récupéré le tirage pour pouvoir le détruire), des pièces radiophoniques (écrites seule ou en collaboration avec l’écrivain italien Uccio Esposito-Torrigiani), deux articles, et surtout l’intégralité des Cahiers, ce second volume des Œuvres présente la partie cachée de l’iceberg. Ou disons : un versant plus secret, dans lequel chacun peut cheminer à sa guise.
Pourquoi ne pas commencer ce second volume par ce qu’il comporte de plus inédit, à savoir le magnifique portrait qu’en fit l’écrivain italien au lendemain d’une mort qu’elle s’est elle-même donnée ? Uccio Esposito-Torrigiani la révèle sans fard, telle qu’il a pu la connaître, repliée dans ses longs silences, et installée dans une vie « bâtie avec rigueur autour d’une justification centrale et dévorante : celle de sa propre mort, comme seule certitude, seule liberté et seule propriété absolue ». Un portrait joliment rédigé qui s’ouvre parfois à ses propres impressions de lecteur : « au bout d’un certain nombre de pages, je m’apercevais, chaque fois, que je n’avais rien retenu, n’avais gardé aucun sens général, aucune vue d’ensemble, et qu’il me fallait tout relire, m’accrocher aux phrases pour saisir une image qui ne manquait jamais de s’effriter aussitôt. C’était du sable, une impossible construction de sable qui m’était interdite ».
Par leur manière, les pages des Cahiers ne donnent pas cette impression de filer entre les doigts : ce sont des notes, des notations séparées les unes des autres par des tirets (le signe qui lui tenait lieu de seule ponctuation), le plus souvent brèves, comme s’il s’était agi de s’arrêter à l’essentiel. On peut y suivre Collobert dans ses voyages, dans l’examen des textes qu’elle vient d’écrire (son œil se montre rarement complaisant), dans ses rendez-vous avec Samuel Beckett, et dans sa difficulté à vivre sa vie : « le nez dans le caca quotidien plus envie d’être probable écrire juste pour voir comment ça va finir pas l’impression que ça va durer encore longtemps ».
Dans les autres pages de ce florilège, le lecteur retrouvera la Danielle Collobert du premier volume. Celle de l’œuvre publiée. Par leur qualité de plume aussi bien que par leur contenu, les textes en prose rappellent ceux de Meurtre. On y retrouve cette gravité souvent inquiétante (proche de Beckett) qui fait la saveur de son premier livre : « Nous sommes là, chacun, c’est tout ; en face de l’autre, chacun. Tout seul, n’est-ce pas ? C’est ça, dans le fond, tout seul. » Quant aux poèmes, ils sont faits de presque rien, de vers parfois réduits à un seul mot, qui laissent l’essentiel de la page au silence et au blanc : « Détresse inconsolable/ Des jours/ Sans vent ». En l’absence d’accompagnement sonore, les pièces radiophoniques restent d’un abord difficile ; pire encore, c’est leur dimension polyphonique qui échappe à la lecture.
Comme dans tout florilège, la juxtaposition des textes a de quoi dérouter plus d’un lecteur : à côté des phrases élégantes et sinueuses des textes en prose, les vers de deux syllabes paraissent alors manquer d’ampleur. Mais leur réunion montre à quel point l’œuvre de Collobert forme un tout, un ensemble d’une grande cohérence, servi par une langue exempte de tout lyrisme, et jamais désireuse de donner dans le pathos. Quand on écrit comme Collobert sur la solitude, la mort et la difficulté à être, c’est un véritable tour de force.

Œuvres II
Danielle Collobert
P.O.L
512 pages, 25

Déchirer le silence Par Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°65 , juillet 2005.
LMDA PDF n°65
4,00