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Domaine étranger Enquête d’identité

octobre 2005 | Le Matricule des Anges n°67 | par Delphine Descaves

Avraham B. Yehoshua nous livre un instantané de la société israélienne, à travers un personnage a priori fort peu romanesque : le DRH d’une grande entreprise.

Le Responsable des ressources humaines

Le responsable des ressources humaines on ne saura jamais son nom ni son prénom d’une grande entreprise de boulangerie industrielle de Jérusalem est confronté à un scandale naissant : un journal révèle qu’une de leurs employés, une femme de 48 ans, a été tuée dans un attentat sur un marché, et personne dans l’entreprise ne s’est inquiété de son absence. Le patron charge le DRH d’identifier cette femme, toutes affaires cessantes.
Écartant d’emblée tout effet littéraire, l’écriture de Yehoshua, prosaïque, riche en dialogues efficaces, crédibles, met d’emblée le lecteur de plain-pied avec la société israélienne. Ainsi la phobie des attentats et la peur qui mine chacun, la puissance des médias ou la pesanteur de certains liens familiaux la mère du héros, jugeant avec sévérité le divorce de son fils, revenu néanmoins vivre chez elle sont traités avec un réalisme sec, teinté d’humour sarcastique, et qui sonne juste. Puis le roman prend une autre tonalité lorsque le DRH découvre progressivement qui était Julia Ragaïev, la victime. Entreprise pour sauver l’honneur du patron et déjouer le piège tendu par les journalistes, son enquête se mue en effet en désir acharné de pénétrer le mystère de cette Juive ashkénaze, et de donner un sens à sa mort absurde. Cette femme, dont la beauté « tatare » fascinait tous ceux qui l’approchaient, avait décidé de rester vivre à Jérusalem, seule, après le départ de son compagnon et de son fils. Sans que jamais Yehoshua ne charge le personnage de Julia Ragaïev d’une dimension trop lourdement symbolique, ce choix de vie révèle la force du questionnement identitaire, qui est peut-être c’est ce que semble suggérer Yehoshua celui de tout juif non israélien. Peut-on vivre réellement sa judéité hors d’Israël ? Quel chemin doivent accomplir tous ceux qui ont quitté une terre, une famille, une culture, pour devenir, coûte que coûte, citoyen israélien ? Et pourtant, que propose le pays à ces êtres idéalistes ? Julia incarne cette quête du retour en Israël ; retour obstiné et finalement tragique, sur une terre promise, dont on a rêvé et qui vous apporte la mort. L’écriture de Yehoshua s’oriente alors, dans la troisième partie du livre intitulée « Le voyage », vers un récit aux résonances à la fois moins sociologiques et plus initiatiques : le DRH ramène le corps embaumé de la victime jusqu’à une province (qui n’est pas nommée) de l’ex-Union Soviétique. Escortant le cercueil, diverses péripéties l’attendent dans ce pays si loin de lui, dont certaines le conduisent aux frontières de l’absurde, comme cette dysenterie carabinée qui le laisse vidé, au fond d’un ancien abri nucléaire ! Cependant cette mission le libère peu à peu de son marasme une ex-femme hostile et une fille à qui il n’accorde pas assez de temps et le fait accéder à un altruisme salvateur : en ramenant Julia dans son pays natal, en se confrontant à une autre terre et à d’autres individus, le DRH comprend le trajet accompli par Julia, retrouve la cohérence de cette vie brutalement interrompue, mais redonne aussi un sens à sa propre existence.
Avec une lucidité frôlant souvent l’humour noir, Avraham B. Yehoshua raconte l’histoire contemporaine d’Israël, et celle de sa société torturée, en proie à la violence, où chacun tente, assez égoïstement, de s’aménager une fragile tranquillité. Mais il semble croire aussi en des hommes de bonne volonté, à l’image du DRH, dont la déclaration d’optimisme à son patron clôt le roman : « le sens, monsieur, c’est à nous de le trouver. Et moi, comme toujours, je vous aiderai ».

Le Responsable
des ressources
humaines

Avraham B.
Yehoshua
Traduit de l’hébreu
par Sylvie Cohen
Calmann-Lévy
283 pages, 19

Enquête d’identité Par Delphine Descaves
Le Matricule des Anges n°67 , octobre 2005.
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