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Domaine étranger Rien qu’un roman

novembre 2005 | Le Matricule des Anges n°68 | par Thierry Cecille

Petite musique du hasard et prévisible chronique new-yorkaise ou comment Paul Auster peut s’engluer dans son propre talent.

Brooklyn follies

Brooklyn, printemps 2000 : Nathan Glass, ancien agent d’assurances, sexagénaire divorcé et réchappé d’un cancer, emménage, se promène à travers les rues, s’amourache vaguement d’une serveuse de cafétéria, retrouve son neveu Tom, longtemps perdu de vue, autrefois universitaire plein de promesses, désormais fruit sec mélancolique et presque obèse, recueille sa petite-nièce, se froisse avec sa fille puis se réconcilie, l’aidant à affronter les affres conjugales de l’adultère… Bien sûr le personnage est sympathique d’autant plus qu’il est le narrateur : cette voix diffère sensiblement de celle des précédents romans d’Auster, à la fois plus cynique et plus sage, convenant à un homme « d’expérience », revenu de son passé, à qui « on ne la fait pas » facilement, et qui s’adresse à nous comme à un confident complice et attentif. Bien sûr on retrouve ici les ingrédients de la plupart des Ïuvres d’Auster : ambiance urbaine qui semble (symbole d’un « melting pot » réussi ?) gommer, au fil des rencontres, les différences sociales ou raciales, thèmes du faussaire et du double, digressions littéraires (Tom a longtemps travaillé à une thèse sur les « utopies intimes », les « refuges intérieurs » d’écrivains Poe, Thoreau qui désirèrent « réinventer l’Amérique »), anecdotes significatives voire symboliques (Kafka écrivant, peu avant sa mort, pour une fillette rencontrée dans Berlin, des lettres imaginaires à une poupée perdue), mise en abyme (qui était le cœur, le moteur du précédent roman, passionnant, d’Auster, La Nuit de l’oracle) puisque Nathan, dans les heures libres que lui laisse l’accumulation des incidents et épisodes évoqués plus haut, tente de mettre en forme « Le livre de la folie humaine », recensant lapsi, erreurs, oublis et « instants de pantalonnade dans la vie quotidienne ». Mais ce ne sont là, précisément, que des ingrédients : Auster puise dans sa boîte à outils, avec une complaisance qui n’attend peut-être, en retour, que celle du lecteur. Certes ce dernier peut se plaire à cette facilité narrative, à cette psychologie convenue, et se satisfaire, en même temps, d’une vision d’un monde aux aspérités dissimulées, où le rose et le gris se mêlent en un pastel assez fade (la mention du viol collectif subi par la nièce de Nathan semble une incongruité, comme une négligence de la part du romancier qui l’évacue d’ailleurs en quelques lignes !). Auster peut en effet (un des personnages se charge de nous en avertir) « nous distraire en nous racontant des histoires sans conséquence. Il n’y a rien de mal à ça. Un peu partout dans le monde, ce serait considéré comme le fin du fin des mœurs civilisées » mais ce n’est peut-être pas le fin du fin de l’art romanesque.
On peut plutôt être agacé par ces nombreux appels du pied, ou assez tonitruants avertissements : le narrateur ne cesse de nous prévenir qu’un peu plus loin viendra un « tournant » de son existence ou de celle des comparses, que ce jour-là il prendra « la décision la plus importante de sa vie », que nous attendent « surprises » et « chocs ». Mais nous ne trouverons en fait de surprises que les égotistes décisions sentimentales, sexuelles ou encore professionnelles, de personnages envers lesquels peu à peu naît en nous une morne indifférence, que même la dernière page (encore un procédé !) avec son « il était huit heures du matin, le 11 septembre 2001 exactement quarante-six minutes avant que le premier avion ne s’écrase contre la tour nord du World Trade Center » ne viendra pas troubler.

Brooklyn Follies
Paul Auster
Traduit de l’américain par Christine Le Bœuf
Actes Sud
364 pages, 23

Rien qu’un roman Par Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°68 , novembre 2005.
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