Europe N°918 (Lorand Gaspar)
Né en 1925 dans une famille hongroise de Transylvanie, et arrivé en France après s’être évadé du camp de travail où il avait été déporté, Lorand Gaspar y a fait des études de médecine avant d’exercer comme chirurgien à Jérusalem puis à Tunis. Polyglotte, traducteur (D.H. Lawrence, Pilinsky, Rilke, Séféris, Riley), photographe, poète (Le Quatrième État de la matière, 1966 ; Sol absolu, 1972 ; Patmos, 2001), essayiste (Approche de la parole suivi d’Apprentissage, 2004), écrivain à l’âme nomade, Gaspar ne cesse de chercher « la vraie vie présente en toute chose ». C’est à cette expérience poétique et clinique, que s’attachent les contributeurs réunis dans ce numéro d’Europe par Madeleine Renouard, et qui l’inaugure par un long entretien avec le poète. M. del Fiol montre comment L. Gaspar a pensé la question de l’existence en termes de « participation finie à la totalité, dans l’immanence », au fil d’une expérience absolue du monde, vécue dans l’évidence et au sein d’une nature souvent intense et dépouillée. « Le désert n’a jamais été pour moi une figure du néant. De même que le silence, cette nudité me parle. Me parle des nappes profondes de la parole, du fait d’être là ». Michel Ledoux, lui, souligne tout l’intérêt du poète pour Spinoza (qui, à l’inverse de Descartes, ne pouvait concevoir l’esprit sans le corps), et pour les neurosciences qui étudient le fonctionnement de l’ensemble interactif corps-cerveau-affections-réflexion. De la chimie des intensités aux leçons de la lumière en passant par le toucher ou la photo, c’est toute l’intelligence du sensible qui requiert le poète, comme la beauté vivante, qu’analyse aussi James Sacré. Un riche numéro qui, dans la foulée du Cahier seize du Temps qu’il fait (mai 2004) complète l’éclairage d’une œuvre qui est une véritable poétique de la présence.
Europe N° 918, 380 pages, 18,50 €