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Poésie Le grand dégrisement

janvier 2006 | Le Matricule des Anges n°69 | par Richard Blin

Une manière de recueillir le pollen des signes derrière lesquels se dissimule la figure secrète du monde, c’est le miracle d’exister que célèbre Yves Leclair.

Manuel de contemplation en montagne

S’il aime Prendre l’air (Mercure de France, 2001), c’est surtout les Bouts du monde (Mercure, 1997) qui l’attirent, les granges comme les cabanes abandonnées, les campagnes perdues ou la paix à partager d’un ermitage de fortune. Tout comme Henri Michaux, il sait que les heures les plus importantes sont les heures immobiles « ces fractions de temps arrêtées, minutes quasi mortes, sont ce que tu as de plus vrai, ce que tu es de plus vrai, ne les possédant pas, n’étant pas par elles possédé ». C’est ainsi qu’Yves Leclair (né en 1954), en alchimiste de L’Or du commun (Mercure, 1993), recueille, dans la matière du monde, les visages de l’absolument simple, les riens infimes que son œil ou son oreille butinent la danse du feu ou des nuages, « la ronce bleue d’un éclair », un corbeau faisant du surplace contre le vent, des chaussures vides séchant devant le feu, l’éclat d’une goutte de rosée condensant dans sa lumière tout l’ « élixir des taoïstes « . »Les pierres vertes dans le torrent, les deux marmottes debout aux aguets dans la combe, les toits de lauze au ras du chemin, l’eau fraîche et claire d’une source qui coule dans le tronc d’arbre creusé, tout l’or du monde que tes yeux, enfant, ont su tamiser ».
Regarder ce que les autres ne daignent plus regarder, jouir du temps qui passe, « lire au bord du ciel, parmi les herbes hautes », disparaître dans le décor, Yves Leclair est un adepte plus que fervent de cette forme de dégagement suprême qui, par-delà Rimbaud et les anciens poètes chinois, redonne tout son sens au verbe méditer « prendre soin », selon sa racine sanskrite. Et du lointain comme du proche, de l’important comme de l’anodin Yves Leclair prend effectivement soin. Sans nul autre souci que celui de l’ici, mais avec l’humour qui sied (« Je suis allé au bouleau. J’ai vu l’éclat blanc de son écorce première page de mon petit livre de vacances, vacances de neige. Dans cette lumière je fais carrière ») ; et avec la distance qui s’impose. « J’opte pour une certaine désinvolture, une distance qui ouvre l’esprit à d’autres perspectives, qui donne sur une autre réalité une réalité de fond certes, non de vitrine ».
Avec un tact suprême et un évident souci d’effacement, c’est l’innocence d’être au monde qu’Yves Leclair retrouve dans ce qu’elle a de dérisoire et d’unique sinon de merveilleux. Il sait avec ce rien de grâce et d’orient qui caractérise sa saisie du monde que le minuscule et l’éphémère englobent l’immense et l’éternel, que derrière le pollen des petits faits nimbés de silence qu’il recueille se devine l’écho d’un sens perdu. « Tout le monde dort dans la paume d’un Dieu qui rêve. Rien d’autre à faire que de contempler la jonque de la lune ».
Être d’assentiment à ce qui vient comme à ce qui s’en va, Yves Leclair note, en quelques touches d’aquarelliste, ce qu’il a sous les yeux, y ajoutant parfois un souvenir ou une réflexion. « Le tonneau reste vide sous la gouttière percée. Ce qui existe n’a pas d’idées ». Comme autant de flèches vivement décochées, le trait ou la notation viennent vibrer en nous, brisant la temporalité et s’ouvrant passage vers ce vide intérieur où quelque chose comme une dépossession de soi nous donne soudain accès à la vraie présence. À mille lieues de toutes les illusions du Moi, c’est comme d’un monde d’avant le Moi et le savoir que nous retrouvons l’écho. Ce dont témoignent aussi les poèmes du Voyageur sans titre qu’Yves Leclair publie à la Librairie La Brèche, sise à Bergerac.
En miniaturiste de l’infini, en calligraphe du silence, en berger des préceptes d’une sagesse qui est art d’être plus pleinement présent à un monde dont la fumée pourrait être l’emblème (« Admirer la fumée qui sait tout faire disparaître en montant »), c’est le miracle d’exister que célèbre Yves Leclair dans son Manuel de contemplation en montagne. Un Manuel écrit avec des gestes d’enlumineur déposant subtilement la poussière d’or de son pinceau. Pour que s’éclaire le paysage, que vibre un peu d’éternité, qu’éclate l’épiphanie d’une âme qui se lave et se livre entre émergence et don.

Manuel
de contemplation en montagne

Yves Leclair
La Table ronde
125 pages, 13

Le grand dégrisement Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°69 , janvier 2006.
LMDA papier n°69
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