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Médiatocs Au rayon confitures

février 2006 | Le Matricule des Anges n°70 | par Thierry Guichard

Le nouveau roman de Philippe Sollers a tout de la baudruche : imposant à l’extérieur, vide à l’intérieur. Il y a quelque chose de pathétique à lire un écrivain qui n’a rien à dire.

Malgré ses 524 pages, Une vie divine se lit vite. Rien n’accroche, rien ne retient. La langue, musicale parfois, glisse comme un air de supermarché. Il s’agit pour elle de remplir l’espace du livre, se générer elle-même pour échapper au silence, se donner l’illusion d’une pensée, attendre peut-être, comme on ferait les cent pas, que quelque chose survienne qui lui donnerait un sens. Il y a quelque chose dans cette prose de l’impuissant amoureux qui prodigue mille caresses en attendant, dévotement, qu’une érection ait lieu.
Il y aurait pourtant un projet : faire une sorte de biographie subjective de Nietzsche. Mais le seul sujet qui intéresse Sollers, c’est, bien sûr, Sollers. Alors le projet se change en portrait de l’auteur en Nietzsche et comme, probablement, Nietzsche n’est pas encore assez digne de figurer Sollers lui-même, on ajoutera un deuxième référent : Dieu. C’est donc un portrait de Sollers en Nietzsche se découvrant Dieu qui nous est donné ici. Mais même pas. Non, ce sont des phrases, des listes, des propositions nominales, une logorrhée fluide qui s’écrit le sourire en coin, sur le mode habituel de Sollers : nous nous comprenons, inutile d’en dire plus. Plus que rien, ç’aurait pourtant déjà été quelque chose.
Le narrateur est donc un philosophe. Il n’est pas jeune, ses maîtresses le sont pour lui. Il voyage sur toute la planète, avec une prédilection pour les capitales dont il ne retient guère que les noms, comme décorations à porter devant soi : « Bien malin celui ou celle qui pourrait dire exactement ce que je faisais à l’époque à Madrid, Barcelone, Rome, Naples, Milan, Turin, Venise. Puis ce que je faisais exactement, par la suite, à Nankin, à Shanghai et Pékin. Et puis à New York, Londres, Jérusalem, Jéricho. Et puis à Amsterdam, Zurich, Berlin, Cologne, Francfort. Sans parler de Copenhague, Stockholm, Oslo. » (P.196). Heureusement, le narrateur ne s’est pas rendu dans les villes de sous-préfecture. Notons déjà la stratégie du « sans parler de » : c’est du Sollers, ça, écrire « sans parler de Copenhague » pour nous faire croire qu’il a effectivement parlé des villes précédentes.
Conscient de ne pas tenir la distance avec aussi peu à dire, l’homme alors se tourne vers les bonnes recettes : l’érotisme devrait électriser un peu ses lecteurs, ou mieux encore, ses lectrices. C’est terrible de voir à quel point l’imagination peut déserter un cerveau de romancier : le sexe est si convenu ici qu’il ferait passer Benny Hill ou le Collaro show pour des émissions d’avant-garde. La blonde Ludi se montre « idéale dans ces deux rôles » : mère et putain. Nelly est philosophe : elle lit, sans culotte, « un texte philosophique bien idéaliste, pontifiant, moral, sentimental, abstrait, humaniste, correct, nigaud, faux » (ah les listes chez Sollers !) pendant que le narrateur « la met » (quelle audace !)
On aura droit aussi plus loin à une scène de voyeurisme consenti avec une descendante aristocrate « belle, blonde, mince, raffinée, jambes en or » (P. 136) dans un hôtel de luxe et à une fellation dans la voiture de Nelly qui « en bonne philosophe, me fait jouir dans sa bouche » (P. 160) quand elle ne joue pas « à la bonniche se faisant mettre par son patron » (P.122). Nos aïeux devaient avoir ce genre de fantasme. La chair est triste, décidément.
Reste la pensée : ersatz de lieux communs (sur les femmes, l’amour, la mort) et d’entrées du dictionnaire des œuvres, des artistes et des penseurs. Ça donne des perles : « Depuis la plus haute Antiquité, les femmes sont obligées de jouer dans un film. » (P. 19)
Sollers peut reprendre à son compte la phrase de Mme Guyon qu’il cite (P. 145) : « Ce n’est pas que j’eusse rien de particulier à écrire : je n’avais chose au monde, pas même une idée de quoi que ce soit. »
On comprend alors cette succession de listes, ces fantasmes périmés, ces confitures culturelles tartinées sur tranches fines : à force d’entendre sa propre musique de supermarché, l’écrivain s’est mis à dresser la liste des courses. Quelqu’un peut-il le ramener à la maison ?

Une vie divine
Philippe Sollers
Gallimard
524 pages, 20

Ce que la presse en a dit…
Le Monde :
Une « ardente campagne romanesque, menée au nom d’une noblesse de l’esprit et du goût (…). » (Marc Fumaroli)

Le Point : « Sollers (qui) s’ébat comme un pur-sang au pré (…) n’a pas son pareil pour dire la joie de vivre parmi les couleurs (… ) et les sens. » (Jean-Paul Enthoven)

Sud-Ouest : « Par l’altitude, l’allégresse, l’ensoleillement de son propos, Une vie divine est un livre léger, nécessaire, libre. » (Jean-Marie Planes)

Au rayon confitures Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°70 , février 2006.
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